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Le droit de manifester en péril

Syndicats, partis et associations de gauche appellent à la mobilisation le jeudi 23 février contre le projet de loi

Le projet de loi soutenu par les partis de droite genevois prévoit des amendes jusqu'à 100000 francs et une interdiction de manifester de 1 à 5 ans si les organisateurs ne respectent pas les conditions émises par les autorités ou en cas de casse même sans faute de leur part.

Les droits d'expression, de réunion, de manifestation et la liberté d'opinion sont en danger à Genève. Voilà en substance le message des référendaires contre la loi sur les manifestations soumise au vote le 11 mars prochain. Pour sensibiliser les citoyens du canton sur les dérives de cette loi qui bafoue des droits fondamentaux garantis par la Constitution, une manifestation aura lieu à Genève le 23 février.
Ce projet de loi proposé par le Parti libéral-radical (PLR), suite aux déprédations pendant une manifestation anti-OMC en novembre 2009, a été accepté par la majorité bourgeoise du Grand Conseil le 9 juin 2011. Ce même été, un référendum a abouti, soutenu par les syndicats, les associations et les partis de gauche du canton inquiets de la teneur liberticide et antidémocratique de cette loi.

Organisateurs criminalisés
Elle prévoit en effet que des amendes jusqu'à 100000 francs (soit 10 fois le montant actuel) pourront être infligées aux organisateurs de manifestations s'ils ont omis de demander une autorisation, ne se sont pas conformés à sa teneur ou aux injonctions de la police, ont violé l'interdiction de la police ou si la manifestation a généré des atteintes aux personnes ou aux biens, même sans faute de leur part. En outre, toute nouvelle demande d'autorisation pendant une période de 1 à 5 ans pourrait être refusée. Ce durcissement tend à criminaliser les organisateurs, qui pourraient être ainsi amenés à payer pour un groupe de casseurs. «Selon nous, cette loi est anticonstitutionnelle car elle implique la responsabilité sans faute», relève Lionel Roche, secrétaire syndical à Unia Genève et membre du comité unitaire contre la loi.
Un avis du Conseil fédéral émis en 2005 va dans le même sens: «Répondre sans faute pour tous les dommages causés par des débordements pendant ou à l'issue d'une manifestation annoncée reporterait en fin de compte la responsabilité d'assurer la sécurité publique sur des particuliers. (...) La crainte de devoir verser des dommages et intérêts, de même que les coûts engendrés par l'organisation d'un service d'ordre et les primes d'assurance pourraient dissuader les citoyens de faire usage de leur droit de manifester. Cette aggravation effective du droit de manifester ne serait pas compatible avec la liberté d'expression et de réunion.»
Le Conseil fédéral craint que la responsabilité sans faute entraîne «un plus grand nombre de manifestations sans autorisation», et donc par conséquent «l'effet indésirable que les autorités aient moins de moyens de contrôle des rassemblements sur le domaine public».

Déprédations rares
D'ailleurs les manifestations qui tournent mal sont extrêmement rares: entre 2003 et 2010, sur 2745 manifestations (parmi lesquelles 385 politiques, 991 internationales, 175 syndicales, 94 alternatives et 5 sportives), seules 3 ont posé quelques problèmes selon le commandant de la gendarmerie Christian Cudré-Mauroux. Celui-ci constate, dans le rapport 
de la Commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi, que «le taux est marginal», et estime que lors des trois manifestations problématiques «la difficulté consistait en l'absence de contact avec les organisateurs pendant le défilé».
En outre, la loi actuelle enfantée par le G8 et approuvée en 2008 par le Grand Conseil, est déjà très restrictive. Ces dernières années, plusieurs militants ont été amendés pour avoir distribué des tracts syndicaux ou lors de très petites manifestations pacifistes. Les autorisations de manifester sont strictes et les organisateurs sont déjà en contact avec la police et organisent le bon déroulement de la manifestation. Nathalie Fontanet, députée PLR, qui défend le projet de loi, précise que dans les mesures préventives nouvelles, une manifestation pourra être cantonnée à un lieu voire devra être interdite en cas de risques importants de déprédation. Elle précise en outre que «la responsabilité des organisateurs ne sera engagée que si les conditions ne sont pas respectées».
«C'est la porte ouverte à toutes les dérives», estime Lionel Roche. «Il sera très simple d'envoyer quelques agents perturbateurs pour faire de la casse et charger les organisateurs.» Avec des conséquences lourdes: «Des amendes aussi élevées peuvent couler des organisations. C'est un moyen d'empêcher les mouvements sociaux de s'organiser et de manifester dans un contexte de crise où la droite veut mettre chacun au pas. Si cette loi passe, ce serait un pas en arrière choquant. Car si les durcissements ont cours dans beaucoup d'autres cantons, la responsabilité sans faute serait une première en Suisse.»


Aline Andrey



Tous dans la rue!
La manifestation «NON! Pas la dernière!» aura lieu le jeudi 23 février à 18h. Départ à la rue du Mont-Blanc, devant La Poste. Arrivée à la plaine de Plainpalais à la pierre commémorative pour les manifestants massacrés le 9 novembre 1932.