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Le froid gèle les chantiers

La semaine dernière, les ouvriers du bâtiment sont restés chez eux. Ils sont cependant les premiers pénalisés par ce congé forcé

Les chantiers étaient pratiquement tous à l'arrêt en Suisse la semaine dernière. Les travailleurs sont pénalisés, car soit ces jours sont pris sur leurs heures supplémentaires, soit l'employeur fait une demande d'indemnités en cas d'intempéries à l'assurance chômage qui ne couvre que 80% du salaire.

C'est le premier arrêt de la saison hivernale, et d'une durée exceptionnellement longue. Si, au début de la vague de froid, Unia a dû intervenir dans plusieurs cantons pour faire arrêter certains chantiers la semaine dernière, une très large majorité d'entre eux ont été immobilisés. «Il y a toujours des exceptions. Encore ce matin (ndlr: mardi 7 février), nous avons dû nous rendre sur un chantier de démolition à Lausanne...», relève Pietro Carobbio, responsable de la construction d'Unia Vaud.
Mais quels sont les critères pour arrêter un chantier? «Il n'y a pas de critère précis. C'est le bon sens qui prime», explique-t-il, avant de s'insurger contre les mesures aberrantes du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco). Celui-ci préconise en effet dans son rapport «Travailler au froid»: «Après 90 minutes de travail par -22°C, il faut prévoir une pause de 30 minutes au moins dans un local à température agréable.»

Santé en danger
La Convention nationale (article 28 de la CN) prévoit, elle, en substance que lors de conditions météorologiques mettant en péril la santé du travailleur ou empêchant un déroulement efficace du travail, les travaux de construction en plein air doivent être interrompus «pour autant que cela soit techniquement possible». L'employeur décide de la suspension des travaux, mais «les travailleurs concernés doivent être consultés». Le travailleur est toutefois tenu de rester à disposition de son employeur et d'accepter tout autre travail «raisonnablement exigible».

Système à améliorer
Les syndicalistes relèvent tous que la CN échue à fin 2011 n'est pas satisfaisante. «Les risques des entreprises sont mis à la charge des travailleurs qui restent les dindons de la farce», résume Filipa Chinarro, coresponsable du bâtiment d'Unia Genève. Si l'employé est déclaré auprès de la caisse chômage, qui intervient dès le 3e jour d'arrêt dans le cadre des indemnités intempéries, il ne touche que le 80% de son salaire. Mais le plus souvent ce sont ses heures supplémentaires qui sont ponctionnées. «Très peu de patrons utilisent le fonds intempéries de l'assurance chômage. Ils préfèrent prendre les heures supplémentaires pour ne pas devoir payer les deux jours de carence. Surtout que les employés ont beaucoup trop d'heures dues à la pression toujours plus forte des délais.» En cas de situation où l'ouvrier devrait rattraper les heures non travaillées, cela peut générer d'autres problèmes. «Dans ce cas, les employés rechignent parfois à arrêter. Ce qui est extrêmement dangereux», renchérit Alessandro Pelizzari, responsable du secteur construction pour la Suisse romande d'Unia.
Face à ces problèmes, le syndicat, lors des négociations actuellement au point mort sur la nouvelle CN avec la Société suisse des entrepreneurs (SSE), avait proposé de créer un fonds spécial paritaire qui couvrirait les deux jours de carence et le différentiel de 20% non pris en charge par la caisse chômage.
«Sans perte pécuniaire, il y aurait une amélioration de la consultation et de la couverture des travailleurs», estime Filipa Chinarro. Et la syndicaliste de rappeler que le Code des obligations (CO, articles 324 et 328) stipule que c'est à l'employeur d'assumer les empêchements de travail et qu'il doit veiller à la sécurité et à la santé de ses employés. «Selon le CO, l'employé devrait donc être payé à 100%», résume-t-elle.
Quant à la «Charte de la sécurité» signée en septembre dernier, sa mise en pratique reste difficile. «Si, selon la charte, ils ont le droit d'arrêter de travailler en cas de danger, peu osent le faire. En plus sa promotion n'a pas été forte, car elle est arrivée au moment des négociations sur la nouvelle CN.»


Aline Andrey