«C’est comme si tout redevenait normal»
La semaine dernière, les salons de coiffure ont rouvert leurs portes. Ambiance
«Ah, j’ai retrouvé figure humaine!» C’est avec le regard rieur et le sourire masqué, qu’une cliente de Guido Coiffure quitte le salon lausannois. «Ça fait ressortir tes yeux», commente la coiffeuse Christine Besse qui a une clientèle fidèle. L’une des habituées, Mme Hadid, vient ici depuis 40 ans, avant que Christine Besse et son frère Claude Novelli reprennent le salon de leur père. «C’est la première fois en six semaines que je sors et que je me maquille, souligne-t-elle, soulagée. Mes fils m’ont amené les courses devant ma porte. Mais je n’ai vu personne pendant tout ce temps.»
«La plupart des clientes sont vraiment heureuses et me disent avoir l’impression de revivre. Je ne m’attendais pas à ça, raconte Christine Besse. Car, même si le coiffeur a une fonction sociale et esthétique, il n’est pas vital.» Et pourtant, dès l’annonce de réouverture par le Conseil fédéral six jours plus tôt, Guido Coiffure, à l’instar d’autres salons, recevait de nombreuses demandes de rendez-vous.
«J’ai envoyé un message tout de suite, raconte Erika Bovard, qui attend son tour sur le canapé à l’entrée. Aujourd’hui, c’est la fête. J’ai bien vécu ce semi-confinement, mais j’avoue qu’en venant ici, c’est comme si tout redevenait normal.»
Et ce, malgré les masques obligatoires et une plus grande distance entre les clients. «Hier, le service de l’hygiène est passé et nous a signalé qu’il fallait aérer chaque heure dix minutes ou laisser la fenêtre et la porte ouvertes. Pour le reste, cela jouait», indique Christine Besse.
Celle-ci comme d’autres coiffeuses interrogées dans différents salons soulignent que le travail est plus contraignant lié au nettoyage et à la désinfection après chaque client. Quant au port du masque, il en dérange plus d’une, entre sensation d’étouffement et difficulté à se faire comprendre. Quand d’autres disent s’habituer déjà.
Branche à valoriser
Chez Kevin Kayne à Lausanne, deux fauteuils ont été posés dans la rue pour faire attendre les clients. Le salon reçoit sans rendez-vous et n’a pas changé ses habitudes. Si le local est plein, ce n'est toutefois pas la cohue. A l’intérieur, les coiffeuses se disent heureuses de reprendre du métier. Apprentie de 1re année, Alicia confie son soulagement de sortir enfin du giron familial et dit ne rien craindre pour sa santé. Cassandra, apprentie de 3e année, partage sa confiance face à la menace du Covid-19, mais aussi ses peurs quant à son avenir professionnel: «Je sais que je n’aurai pas d’examen théorique, mais rien n’est encore très clair pour l’examen pratique. Et pour chercher du travail, tout est ralenti. Ce qui me fait plaisir c’est que le secteur de la coiffure est enfin valorisé. Cela montre qu’on sert à quelque chose.» Sa patronne, Marion Pellet, au téléphone depuis sa succursale d’Oron, est confiante en l'avenir même si sa situation financière est inconfortable: «Nous avons fait une demande d’allocation perte de gain (APG) et de chômage partiel pour nos employées, ainsi qu’une demande d’emprunt. Nous n’avons encore rien reçu.»
Un manque financier auquel s’ajoutent des frais supplémentaires pour respecter les normes d’hygiène (masques, gel hydroalcoolique, serviettes supplémentaires, capes en plastique...).
Des leçons de la crise
Chez Guido Coiffure, malgré les APG, le chômage partiel pour les apprenties et le soutien du canton de Vaud et du propriétaire pour le paiement de leur loyer commercial, la fratrie a aussi dû faire une demande de prêt. Mais Christine Besse n’en perd pas son sourire, peut-être une des leçons de la crise. «Après avoir réussi à mettre de côté mes angoisses financières, je me suis occupée de mon jardin. Je n’ai jamais eu autant de vacances de ma vie. Et j’aurais bien continué…» confie-t-elle, non sans souligner sa chance d’en avoir un de jardin.
Gratitude aussi chez Marine, coiffeuse, qui durant une courte pause devant un autre salon lausannois, révèle: «Le confinement m’a appris beaucoup. Je me sens moins centrée sur moi. J’ai pris conscience de l’importance du contact avec les autres, de partager et d’aimer. Il n’y a pas que le travail et l’argent dans la vie. Même si je suis contente de reprendre, après six semaines seule, confinée en France. J’ai moins stressé que je ne le pensais en revenant ce matin. Ça fait du bien de revoir du monde.»