Des salaires et des rentes pour vivre correctement
Le retard salarial reste considérable pour nombre de travailleurs, et les retraités vivent avec toujours moins, constatent les délégués de l’Union syndicale suisse
Les salaires et le pouvoir d’achat étaient au cœur de l’assemblée des délégués de l’Union syndicale suisse (USS) du 1er décembre.
Les délégués de la faîtière syndicale ont tiré un bilan mitigé des négociations salariales. Si, à la faveur de la mobilisation syndicale, des augmentations des salaires minimums et réels ont pu être décrochées dans de nombreuses branches, comme nous l’avons relaté dans nos colonnes tout au long de l’automne, la tendance n’est pas à la hausse partout. Alors que le retard salarial accumulé ces dernières années reste considérable pour de nombreux travailleurs, certaines branches et entreprises refusent d’accorder la compensation du renchérissement, ce qui devrait aller de soi, par exemple dans le secteur principal de la construction ou encore à la Confédération, qui devrait pourtant montrer l’exemple. Dans une résolution adoptée, les délégués de l’USS demandent par conséquent des hausses substantielles des salaires réels pendant les négociations encore en cours afin que les pertes de pouvoir d’achat soient compensées et que les travailleurs profitent de la bonne marche de l’économie. «De 2020 à 2024, le coût de la vie des personnes vivant seules aura augmenté de plus de 3500 francs chaque année. Les couples avec enfants ont besoin de plus de 7000 francs en plus», note la résolution.
Les augmentations des loyers, des primes maladie, des produits alimentaires ou de la TVA (+0,4% dès le 1er janvier) n’épargnent pas non plus les retraités. «Le résultat est violent: le renchérissement et le choc des primes ont englouti une rente mensuelle entière», souligne la même résolution. Si elle était acceptée, l’initiative de l’USS pour une treizième rente permettrait de compenser cette perte de pouvoir d’achat. Elle sera soumise en votation le 3 mars 2024 et l’USS promet de s’engager «de toutes ses forces» dans la campagne.
Et n’oublions pas les jeunes! Les personnes en formation génèrent chaque année un demi-milliard pour l’économie; or, «dans de nombreux apprentissages, les salaires n’ont pas augmenté depuis des années, voire parfois des décennies. Le niveau des salaires n’a jamais été adapté. Les apprentis sont laissés en rade. Et les stagiaires ne peuvent que continuer à rêver de CCT qui les incluent», pointe la commission de jeunesse de l’USS, dans une résolution présentée à l’assemblée des délégués et adoptée elle aussi. Le texte demande une pleine compensation du renchérissement, l’introduction de salaires minimums et d’un treizième mois de salaire pour tous les apprentis et stagiaires.
UE: ligne rouge réaffirmée
Il s’agit aussi de défendre les salaires dans l’optique du mandat de négociation avec l’Union européenne (UE). Les syndicalistes de l’USS ont réaffirmé leur position: oui à une ouverture des discussions sur l’extension des accords bilatéraux, «mais à condition que la protection des salaires et le service public soient dûment garantis». Les entretiens exploratoires menés jusqu’à présent avec la Commission européenne montrent que l’accès des entreprises étrangères au marché suisse pourrait primer sur la protection des salaires helvétiques. La Suisse devrait reprendre la réglementation européenne sur les frais professionnels (principe du pays d’origine), les cautions ne pourraient être perçues qu’en cas d’abus répétés et perdraient leur effet dissuasif, des instruments comme l’interdiction d’offrir ses services en Suisse ne seraient plus utilisables comme aujourd’hui, alors que la réduction du délai d’annonce compliquerait encore l’identification des tricheurs. L’USS exige donc «que le remboursement des frais professionnels, l’interdiction d’offrir ses services en Suisse et les cautions soient dûment garantis».
«Des améliorations s’imposent par ailleurs en matière de déclaration de force obligatoire des conventions collectives et de réglementation du travail temporaire», car «indépendamment des accords bilatéraux, la protection des salaires en Suisse est depuis longtemps sous pression. Les emplois précaires, à l’instar du travail temporaire, sont en hausse. La mise en œuvre des mesures d’accompagnement laisse à désirer dans les cantons. La location de services est ainsi en plein essor et la sous-enchère n’est pas suffisamment sanctionnée. Les chaînes de sous-traitance mettent en péril les conventions collectives. D’où la nécessité d’améliorer la protection des salaires et non de la démanteler. Or, jusqu’à présent, les employeurs ont refusé d’aborder ces problèmes, ce qui explique également l’absence de progrès concrets.»
En plus, l’électricité et le rail sont menacés par une ouverture à la concurrence européenne. «L’USS exige des accords de coopération plutôt que des accords qui libéralisent l’accès au marché afin de garantir le service public.»
En finir avec le racket des caisses
L’assemblée des délégués a aussi voté une prise de position en faveur de la paix à Gaza (lire en page 6). Acceptée pour examen, une dernière résolution propose d’en finir avec le «racket des caisses maladie» en créant une caisse unique et publique avec des primes proportionnelles au revenu. Toutefois, note le texte, cette caisse ne résoudra pas, à elle seule, la problématique des coûts de la santé, celle-ci «résulte également de la dégradation des conditions de travail et de la précarisation de l’emploi». «Réduire les coûts de la santé passe donc aussi par une inversion de la tendance en matière de conditions de travail. A commencer par la réduction, sans perte de salaire, de la durée du travail.»
Enfin, les délégués ont approuvé l’adhésion de la Société pédagogique vaudoise, qui représente environ 2300 enseignants de l’école obligatoire. L’USS compte désormais 19 fédérations membres.
Toutes les résolutions sont consultables sur uss.ch