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Du coût humain et financier du système Dublin

Des «renvois inhumains» sont dénoncés par le collectif Droit de rester. L’histoire récente d’une jeune Afghane expulsée de Suisse est un exemple parmi beaucoup d’autres

Le 16 janvier, vers 4h du matin, dans un foyer pour requérants d’asile à Crissier (VD), des policiers sont venus en nombre arrêter Maleka, une jeune femme afghane, militante dans son pays d’origine. Dans le cadre des procédures Dublin, elle a été expulsée, par avion, vers l’Espagne. Ce, malgré ses traumatismes liés au régime taliban et à son exil, malgré sa fragilité psychique et le suivi médical dont elle bénéficie en Suisse. A l'aéroport de Madrid, on lui aurait seulement dit qu’elle était libre d'aller où elle voulait. Sauf qu’elle n’en avait aucune idée. Alors elle est revenue en Suisse, illégalement, là où elle a des soutiens. Et, surtout, là où vit son frère…

Renvoyées et de retour

Vendredi 26 janvier, des militants du collectif Droit de rester ont ainsi accompagné Maleka devant le Service de la population (SPOP) à Lausanne. Une action de plus pour dénoncer le système Dublin, et éviter que la jeune réfugiée ne risque d’être arrêtée en allant demander l’aide d’urgence. Soit le droit à un lit dans un foyer et de quoi s’acheter de la nourriture (9 fr. 50 par jour). Sur le trottoir, les larmes aux yeux, sa détresse est palpable. Son expulsion, le 16 janvier, l’a profondément choquée. Pourtant, à 29 ans, elle a un passé de militante aguerrie. Diplômée de l’Université de Balkh au nord de l’Afghanistan, elle a fondé une école pour filles quand les talibans ont pris le pouvoir. «Mais le régime ne l’a pas laissé faire», explique le collectif, qui a recueilli son témoignage. Pour sauver sa vie, elle a dû se résoudre à fuir. En Iran, après plus d’une année, elle réussit à obtenir un visa pour l’Espagne. Mais son objectif est la Suisse, pour y retrouver son frère.

Devant le SPOP, à ses côtés, trois autres jeunes Afghanes sont venues la soutenir. L’une d’elles raconte son propre renvoi vers la Croatie. C’était le 2 mai 2023, à Sainte-Croix. A l’aube, des policiers font irruption dans la chambre où elle dort avec son mari et ses trois enfants. La violence de l’arrestation sera relatée dans les médias, avec les témoignages à l’appui de nombreux migrants, effrayés et scandalisés par la scène. Le porte-parole de la police avait alors indiqué que «l’usage de la force et de la contrainte s’effectue en dernier recours et dans le respect du principe de la proportionnalité»…

Une absurdité européenne

Dix jours plus tard, comme Maleka, la famille afghane était de retour. Aujourd’hui, elle vit à Nyon et a pu déposer une demande d’asile.

Alors que l’Appel Dublin, soutenu par de nombreuses organisations de défense des droits humains depuis 2017, exige des pratiques plus humaines dans le domaine de l’asile, les renvois des personnes vulnérables et la séparation des familles continuent. Et pourtant, comme le souligne l’organisation Vivre Ensemble, le bilan numérique des procédures Dublin témoigne de l’absurdité du système. «En Suisse comme ailleurs, les transferts entrants et sortants montrent un jeu à somme nulle, coûteux avant tout humainement, mais aussi financièrement et administrativement.» La bureaucratie du système européen, en plus de générer des traumatismes et des souffrances psychologiques, engendre autant de freins à l’intégration et à l’autonomie des personnes qui ont pourtant le droit à une protection. «Tout ça pour ça?» résume le collectif Droit de rester, témoin depuis trop longtemps de renvois inhumains. Et de rappeler ses revendications: arrêt de toutes les expulsions et de la maltraitance administrative au SPOP; droit au travail et à la formation; droit à un logement digne; droit à se déplacer et à chercher de l’aide; indexation et augmentation de l’aide d’urgence et de tous les minimums vitaux.

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