Témoignages
Amandine, infirmière dans un EMS genevois et déléguée syndicale
«J’ai été très active lors de la campagne pour l’initiative sur les soins et, un an après, on en est toujours au stade des pourparlers. Cela me tenait à cœur d’être à Berne pour montrer qu’on est toujours là, que ça ne va pas mieux, et que tant que les choses ne bougeront pas au niveau politique, ça n’ira pas mieux!
Notre système de santé va vraiment mal, cela fait des années qu’on le dénonce, mais aujourd’hui, toute la population en a conscience mais rien ne se passe. Les conditions ne cessent de se détériorer, on n’arrive même plus à freiner la dégradation.
Après une dizaine d’années passées en EMS, je remarque que la population qu’on accueille est beaucoup plus atteinte, physiquement et/ou psychologiquement, donc la prise en charge est de plus en plus lourde, alors que la dotation, elle, n’a pas changé. La charge administrative a, quant à elle, doublé, voire triplé, et le niveau de formation et d’expérience du personnel est souvent très bas, et c’est un réel problème au quotidien. On est surchargés. Je n’ai pas une belle vision d’avenir pour mon métier et, personnellement, je ne tiendrai pas encore dix ans dans ces conditions.
Il y a aussi beaucoup de turn-over, d’absentéisme et d’accidents. C’est un milieu qui devient dur et la qualité des soins en prend un coup. Les choses doivent changer: il faut arrêter de penser et passer à l’action. La solution est entre les mains des autorités et des décisions carrées doivent être prises, sans faire de compromis. Plutôt que d’acheter des avions de combat, on pourrait investir ces milliards dans notre santé et notre enseignement…»
Marie (prénom d’emprunt), infirmière à Delémont
«Je suis venue travailler en Suisse il y a vingt ans, car les conditions de travail en France ne me convenaient plus. Hélas, les choses ne sont plus si différentes. La qualité de la prise en charge s’est détériorée, car nous avons de moins en moins de temps pour les patients: je suis passée de 4 à 1 infirmière pour 50 patients. Les absences n’étant pas remplacées, nous sommes tous les jours en sous-effectif et le stress est au summum. C’est la première fois de ma vie où je me dis qu’on régresse, alors qu’on est censé optimiser le temps avec des outils de travail toujours plus performants: le métier ne permet plus l’empathie et l’écoute. J’ai récemment osé alerter ma direction en pointant des dérives et en proposant des solutions, et j’ai été licenciée pour “propos inacceptables et insubordination”. Concernant mon avenir, je suis très sceptique. On ne nous donne plus les moyens de mener à bien nos projets. Je me pose sérieusement la question d’aller travailler à l’usine: la rigueur du travail sera aussi intense mais je ne risque pas de mettre quelqu’un en danger. De plus, j’aurai moins de contraintes et je pourrai profiter de mes week-ends en famille.»