«Les catastrophes de Mariana et de Brumadinho nous affectent tous»
Plus de 300 personnes mortes, dont une centaine de disparues, et un environnement saccagé sur des kilomètres par un torrent de boue toxique. C’est le bilan tragique de la rupture du barrage de résidus miniers de la mine de Brumadinho appartenant à la multinationale Vale, le 25 janvier dernier. «Cette fois-ci les médias ont clairement accusé Vale et évoqué un crime. Il y a trois ans, ils ne parlaient alors que d’accident», souligne Juliana Benicio, avocate et militante au sein de la Coordination internationale des victimes de Vale SA, présente lors du contre-forum. Pour mémoire, en 2015, dans la même région du Minas Gerais, la rupture d’un autre barrage de la mine Samarco (copropriété de Vale et de BHP), près de Mariana, avait ravagé l’écosystème. Le bilan de la plus grande catastrophe écologique du pays: 19 morts humaines, des centaines de sans-abri, la pollution du Rio Docé jusqu’à son embouchure océanique. «Plus de trois ans après, le quartier détruit à Mariana n’a toujours pas été reconstruit. Concernant les indemnisations, Vale ne tient pas compte des pertes dans l’économie informelle généralement aux mains des femmes. En ne versant des indemnités qu’aux hommes, la société renforce le patriarcat!» dénonce Juliana Benicio.
La militante explique que ces drames trouvent leur source dans «la division internationale du travail et son modèle d’exploitation et d’exportation»: les pays du sud sont cantonnés dans l’approvisionnement en matières premières brutes payant le prix fort des impacts socio-environnementaux, alors que le nord développe technologies et industries de pointe à haute valeur ajoutée. Juliana Benicio précise: «Avec l’augmentation de la demande mondiale, il est urgent que les populations soient clairement informées des risques avant l’installation d’une entreprise. Des études ont montré que les accidents de rupture de barrage surviennent entre 25 et 29 mois après un boom des prix des matières premières. L’urgence de rentabilité pousse les entreprises à accélérer le rythme d’extraction, sans se soucier des mesures de sécurité.»
Depuis fin 2017, Vale avait connaissance des risques. «L’enquête en cours prouve que l’entreprise était au courant de la possibilité d’une rupture possible du barrage et a utilisé sa position pour faire pression sur l’Etat et les entreprises afin qu’elles certifient la sécurité de l’exploitation», révèle la Coordination internationale des victimes de Vale SA.
Le renversement de la présidente Dilma Rousseff, l’arrivée au pouvoir de Michel Temer puis de Jair Bolsonaro ont pour conséquence un recul des droits sociaux selon Juliana Benicio: «Alors que le gouvernement prévoit d’augmenter le nombre d’années de travail et de cotisation pour avoir droit à une retraite, les entreprises, dont Vale, doivent 450 milliards de réaux (environ 112 milliards de francs suisses) aux caisses de la sécurité sociale! En plus de sa dette directe, Vale pratique la triangulation pour ne pas payer d’impôts au Brésil (lire ci-dessus).»
Et la militante d’ajouter: «Notre objectif en tant que Coordination internationale des victimes de Vale est de dénoncer les violations opérées par l’entreprise, qui se cache derrière le discours de la “responsabilité sociale” et la prétendue préoccupation sur “les meilleures pratiques de gouvernance d’entreprise”. Cette société ment, et nous en avons les preuves.» Et de conclure: «La pollution de l’environnement est toujours globale. Les catastrophes de Mariana et de Brumadinho nous affectent tous ainsi que nos descendants, au Brésil, en Suisse et ailleurs.»