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Les multinationales toujours choyées par le Conseil fédéral

Affiche en faveur de l'initiative pour des multinationales responsables lors de la campagne de novembre 2020.
© Olivier Vogelsang

L’initiative qui entendait imposer des règles strictes aux entreprises avait remporté, le 29 novembre 2020,  50,7% de «oui» dans les urnes mais avait été rejetée par plus de la moitié des cantons.

L’ordonnance d’application affaiblit encore le contre-projet pour des multinationales responsables. Le combat continue

«Malgré les critiques massives de la société civile, des milieux scientifiques et de la population, le Conseil fédéral a définitivement adopté de nouvelles dérogations pour les multinationales. Le contre-projet alibi à l'initiative pour des multinationales responsables, qui était déjà faible, a été encore plus édulcoré.» Ces lignes résument la position de la Coalition pour des multinationales responsables qui a publié des annonces de protestation publique signées par plus de 30000 personnes, samedi dernier, pour dénoncer une ordonnance d’application minimaliste et en retard sur son temps. Cette dernière a été finalisée le 3 décembre par le Conseil fédéral.

Le contre-projet entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Elle laisse une année aux entreprises pour se mettre au diapason, même si elles seront vraisemblablement peu affectées.

Ordonnance minimaliste

«Le fait que le Conseil fédéral ignore non seulement la majorité populaire obtenue par notre initiative, mais aussi les innombrables critiques lors de la consultation, est inacceptable et contraire à la tradition démocratique suisse», dénonce l’ancien conseiller national PDC Dominique de Buman. Avec une ordonnance aussi faible, «presque toutes les multinationales pourront au final se soustraire aux dispositions prévues par la loi», selon la Coalition qui regroupe de nombreuses organisations et des syndicats.

Si les entreprises suivent déjà certaines dispositions internationales, ou si l’assemblage final de leur produit a lieu dans un pays où le risque est faible concernant le travail des enfants, elles sont libérées de leurs devoirs de diligence. De surcroît, les PME ne sont pas soumises à ces règles sauf si des biens ou des services ont «manifestement» été produits ou fournis grâce au travail des enfants. «Si, dans les domaines du chocolat et des textiles, le travail des enfants est régulièrement dénoncé par des ONG, cela ne suffira pas pour obliger les firmes à agir», dénonce Chantal Peyer, responsable Entreprises et droits humains à Pain pour le prochain et membre du comité de la Coalition pour des multinationales responsables. Des seuils d’importation concernant certains minerais et métaux sont également fixés. «Ils sont beaucoup trop élevés et préservent les PME dont les activités peuvent être à hauts risques», souligne Dominique de Buman. Comme, par exemple, le cas de l’or provenant de zones de conflit. Des dérogations concernent aussi l’or recyclé, malgré l’opacité de la filière.

La Suisse en retard

Le Conseil fédéral prévoit toutefois que les valeurs-seuil d’importation pourront être adaptées «en fonction des évolutions éventuelles au sein de l’UE». Il estime également que «les nouveaux devoirs de diligence s’inspirent des règles de l’UE, et vont parfois plus loin que celles-ci», puisqu’elles ne portent pas (encore) sur le travail des enfants. Pour la Coalition pour des multinationales responsables, le retard de la Suisse est au contraire criant en comparaison internationale, notamment par rapport à l’Allemagne, la France, la Norvège, les Pays-Bas… «L’UE va publier, en février normalement, son projet de loi concernant une obligation de diligence pour tous les secteurs. Nous relancerons le débat à ce moment-là, prévient Chantal Peyer. La Suisse pourrait bientôt être l’un des seuls pays d'Europe sans loi efficace sur la responsabilité des multinationales. Le contre-projet permet davantage de transparence, certes, mais n’oblige en rien le respect des droits humains. Pour tout risque, une amende d’au maximum 100000 francs – un montant faible face aux milliards des multinationales – est prévue si les rapports comportent des erreurs. La violation des droits humains et environnementaux n’est dans les faits pas sanctionnée. Or, la Suisse avait une chance de faire preuve d’ambition pour contribuer à un monde plus durable.»

«On ne lâche rien, souligne Dominique de Buman. Mme Keller-Sutter a promis publiquement que la Suisse s’alignerait sur les normes européennes. On attend le Conseil fédéral au tournant.»


Pour plus d’informations, aller sur: initiative-multinationales.ch

Les droits humains et environnementaux bafoués

Le 29 novembre 2020, l’initiative pour des multinationales responsables avait échoué faute de double majorité, mais était acceptée par 50,7% des votants. Elle prévoyait notamment que les firmes répondent des violations causées par leurs filiales à l’étranger devant les tribunaux suisses. Les victimes auraient ainsi pu être dédommagées. Avec le contre-projet, si une transparence plus grande peut être espérée, l’impunité va pouvoir continuer de régner. Et avec elle l’exploitation des terres et des humains. Par exemple, en Bolivie, des enfants travaillent dans une mine de Glencore qui dénombre régulièrement des accidents graves, voire mortels. Le fleuve adjacent est pollué au point que des animaux meurent et que les récoltes s’amoindrissent poussant les villageois à l’exil. En Asie, en Afrique et en Amérique latine, Syngenta exporte des pesticides hautement nocifs, interdits en Suisse, provoquant des milliers d’intoxications mortelles. En Namibie, des habitants et des travailleurs sont empoisonnés à l’arsenic par le traitement du minerai de cuivre par la société genevoise IXM. Ce minerai provient de Bulgarie, mais est exporté jusqu’au sud de l’Afrique, car son traitement est interdit dans la plupart des pays.

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