Devant l’Assemblée générale des actionnaires de Glencore à Zoug, une quarantaine de militants syndicaux d’une dizaine de pays ont dénoncé le non-respect des droits humains
Depuis des années, ONG, syndicats et travailleurs dénoncent les pratiques anti-syndicales de Glencore. La semaine dernière, ils étaient une quarantaine de militants venus d’une dizaine de pays, dont la Colombie, la République démocratique du Congo, le Canada ou encore l’Australie, réunis pour sensibiliser les investisseurs aux agissements de la multinationale, lors de son Assemblée générale à Zoug.
L’association faîtière des syndicats de l’industrie, Industriall Global Union, et son membre suisse Unia, dans le cadre de sa campagne mondiale contre les violations des droits des travailleurs par Glencore, demandent à la multinationale l’ouverture de négociations dans le but de garantir le respect des droits humains, syndicaux et environnementaux.
Un village détruit
En marge de cette action et d’une table ronde sur Glencore à Genève, Tatiana Rojas, ancienne coopérante de l’ONG suisse Comundo en Colombie, rappelle la situation dramatique des habitants du village d’El Hatillo dont les terres ont été avalées par l’exploitation minière de Glencore (via sa filiale Prodeco), et des groupes américains Drummond et Murray Energy. «En 2010, au vu de la pollution générée par la mine, l’Etat colombien a estimé que la population devait être relogée ailleurs par les entreprises. Et ce dans les deux ans. Or, les négociations continuent jusqu’à aujourd’hui. Et alors que l’Etat ne veut plus investir dans cette région puisque le village est censé disparaître, les multinationales n’assument pas leurs responsabilités sociales.» Depuis l’arrivée de la mine, la vie des plus de 780 habitants a été dramatiquement bouleversée. «Glencore a dévié la rivière de 17 kilomètres, alors que les gens vivaient principalement de la pêche, de l’élevage et de l’agriculture. Avec pour résultat une crise alimentaire en 2013!» dénonce Tatiana Rojas. Après une dernière année d’intenses négociations, le relogement collectif par manque de terres est toujours impossible. «On leur propose un relogement individuel, mais dans des endroits sans activités économiques possibles, ni terre à cultiver, déplore Tatiana Rojas, inquiète. Les firmes indiquent que le processus va très bien, alors que les villageois se taisent de peur que celles-ci rompent les négociations du fait de la clause de confidentialité signée par les deux parties. Mais si tout va si bien, pourquoi empêcher les gens de s’exprimer?»
«Un dialogue de sourds»
Le point avec Chantal Peyer, responsable de la thématique entreprises et droits humains à Pain pour le prochain, et participante à la table ronde sur Glencore et les droits humains.
Depuis que Pain pour le prochain dénonce les pratiques de Glencore, avez-vous pu observer des progrès?
Si, en 2014, la firme s’est dotée d’une politique de droits humains, sur le terrain, on ne peut pas parler de progrès. Même des actions très simples, que nous leur proposons, n’aboutissent pas. Au Congo, près d’une de leur usine métallurgique, l’approvisionnement en eau était défaillant. Si la firme a finalement accepté de construire un puits, elle ne l’a jamais terminé... Lors de pollution, Glencore attend les réclamations. Alors qu’une politique de droits humains impliquerait que la firme mette en place des mesures préventives, se déplace sur le terrain, dédommage et communique avec la population de manière transparente. Ce qu’elle ne fait pas.
L’initiative pour des multinationales responsables, bientôt discutée au Parlement, pourrait-elle forcer Glencore à changer ses méthodes?
L’initiative obligerait la firme à adopter une politique de droits humains crédible et à la mettre en œuvre. De plus, comme Glencore détient des filiales à l’étranger dont elle est actionnaire majoritaire, l’initiative permettrait aux victimes de porter plainte en Suisse en cas d’abus contre leurs droits.
Le Conseil fédéral a rejeté l’initiative sans proposer de contre-projet…
Nous avons été choqués que le Conseil fédéral ne saisisse pas l’opportunité de participer à ce débat de société. Comme toujours la Suisse est en retard. Même le Groupement des entreprises multinationales (GEM) demande un contre-projet, donc on va voir ce qui se passera dans la session parlementaire en juin (lire ci-contre).
Glencore a contesté les critiques d’Industriall sur la maltraitance de ses salariés en RDC…
Je ne connais pas ce cas précis, toutefois de manière générale, Glencore nie systématiquement les problèmes. Le dialogue n’est jamais facile avec les multinationales, mais il reste possible. Avec les représentants de Glencore, c’est un dialogue de sourds.