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L’industrie a besoin de mesures urgentes

Le fonds de soutien à l’industrie pourra par exemple servir lors de difficultés à l’export, une crise énergétique ou une pénurie de main-d’œuvre.
© Pierre Noverraz / Archives

Le fonds de soutien à l’industrie pourra par exemple servir lors de difficultés à l’export, une crise énergétique ou une pénurie de main-d’œuvre. 

Des entreprises en difficulté remettent à l’ordre du jour l’exigence, portée par Unia, d’une politique industrielle pour la transformation écosociale en Suisse. Dans le canton de Vaud, le fonds de soutien à l'industrie est relancé

La place industrielle souffre. L’année dernière, plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de fermer leurs sites de production ou de diminuer les emplois. Benteler par exemple devait fermer son usine argovienne de tubes pour l’automobile, condamnant quelque 300 postes. Puis, l’entreprise textile Rieter de Winterthour informait de la suppression de 300 à 600 emplois en Suisse et en Allemagne. Plus près de nous, Vetropack vient de présenter son projet de fermeture de l’usine de Saint-Prex

La semaine passée, ce sont les deux entreprises sidérurgiques du pays qui ont fait état de difficultés. L’aciérie soleuroise Stahl Gerlafingen évoquait un risque de fermeture, mais pour l’instant, seule la suppression d’une des deux lignes de production est prévue. Les emplois des 35 personnes y travaillant, plus un nombre inconnu d’autres postes, sont menacés. L’usine, plus grand producteur d’acier recyclé du pays, compte quelque 540 employés. La seconde société, Swiss Steel, installée à Emmenbrücke dans le canton de Lucerne, annonçait une baisse de 20% de son chiffre d’affaires en 2023 et une perte de 295 millions d’euros. Une augmentation du capital devrait lui permettre de garder la tête hors de l’eau, mais les risques pour les postes de travail restent présents. Le groupe, actif aussi en Allemagne et dans d’autres pays, avait déjà procédé à une forte diminution de ses effectifs l’an passé. 

La baisse de la demande, la cherté des coûts de l’énergie, la force du franc expliquent en grande partie les problèmes actuels de l’industrie en Suisse. Pour Unia, cette situation met en évidence les conséquences de l’absence d’une politique industrielle. Dans un communiqué diffusé vendredi dernier, le syndicat a réitéré son appel à la mise en place urgente d’une «politique industrielle pour la transformation écosociale». Depuis des années, Unia demande à la Confédération et aux cantons de prendre des mesures pour aider les entreprises «à réussir leur transformation écologique tout en garantissant des emplois avec de bonnes conditions de travail», écrit le syndicat. 

Moyens sollicités

Unia rappelle la position de l’Union européenne (UE) qui ambitionne de transformer la production d’acier et d’aluminium, principal levier de décarbonation en Europe, par des mesures ciblées et des fonds visant à réduire les émissions de CO2. Or, rien de tel n’existe dans notre pays. «Cela est désormais devenu un problème pour les deux grands producteurs d'acier suisses. Et ce, bien que les deux entreprises produisent de l'acier recyclé, qui est moins énergivore que l'acier traditionnel.» Le syndicat invite dès lors la Confédération et les cantons à agir rapidement pour mettre en œuvre la motion de l’ancien conseiller aux Etats socialiste Roberto Zanetti (voir encadré). Unia appelle également les entreprises et les associations économiques à s’engager pour une transformation écologique et sociale avec les syndicats. Outre la garantie des emplois, cela implique «le respect de bonnes conditions de travail, la formation et le perfectionnement professionnel des employés, ainsi que la collaboration avec les syndicats dans la mise en œuvre et l'évaluation des mesures de développement durable».

Sylviane Herranz


Le Conseil fédéral sommé d’agir

Roberto Zanetti, ancien conseiller aux Etats du canton de Soleure, avait déposé en décembre 2022 une motion intitulée «Soutenir l’industrie du métal en Suisse». Le texte a été adopté par le Parlement l’automne passé. Il charge le Conseil fédéral de présenter «un train de mesures pour atténuer les déséquilibres du marché provoqués par la politique énergétique et industrielle déterminée de l’UE en faveur de l’industrie de l’acier et de l’aluminium, et ainsi protéger les entreprises qui produisent et recyclent le métal en Suisse». 

La semaine dernière, deux autres élus soleurois, la conseillère nationale socialiste Franziska Roth et le conseiller aux Etats UDC Christian Imark, ont déposé une motion identique dans leur chambre respective pour que le Conseil fédéral, en collaboration avec le Canton et la direction de Stahl Gerlafingen, prenne «des mesures immédiates pour sauver l’aciérie, le cas échéant en recourant au droit d’urgence». En plus de la perte des emplois et de la fin de la seule usine de Suisse produisant de l’acier de construction avec de la matière première indigène, les élus déplorent que, d’un point de vue écologique, «une fermeture serait également fatale si la ferraille d’acier devait à l’avenir être exportée pour être transformée à l’étranger, où l’acier est traité d’une manière nettement plus émettrice de CO2». Ils rappellent aussi l’importance systémique de l’usine pour la Suisse.

SH

Le fonds vaudois de soutien à l’industrie reprend des couleurs

Le Canton de Vaud dynamise son fonds de soutien à l’industrie. Mis en place en 2015 dans le contexte du franc fort, ce fonds cantonal avait été réactivé en 2020 à l’arrivée du Covid: 87 entreprises et 129 projets d’investissements avaient alors été soutenus pour 10 millions de francs. En octobre dernier, devant les incertitudes conjoncturelles, le Conseil d’Etat a réinjecté 10 millions, faisant passer la dotation du fonds à un peu plus de 20 millions. Le gouvernement souhaite encore améliorer l’efficacité du dispositif et a soumis un décret en ce sens au Grand Conseil.

Le 27 février, au Parlement, le groupe Ensemble à Gauche a présenté des amendements conditionnant les aides au respect des droits sociaux, encourageant des mesures environnementales et interdisant le versement de dividendes. Propositions refusées par la majorité.

Député socialiste et secrétaire régional d’Unia Vaud, Arnaud Bouverat est aussi intervenu pour demander à ce que les entreprises sollicitant le fonds fournissent des documents attestant de leur respect des conventions collectives de travail (CCT) et d’absence de sous-enchère salariale dans leur activité. «Ces éléments peuvent être documentés et pas seulement faire l’objet d’une déclaration d’intention et de vagues promesses», a déclaré celui qui préside, par ailleurs, l’Union syndicale vaudoise. Ce à quoi la conseillère d’Etat Isabelle Moret a répondu que la prochaine étape était de réunir les partenaires sociaux pour élaborer le règlement et que cette question pourrait y être débattue. 

«Ce fonds est réactivé, ses missions sont élargies à différentes éventualités, il pourra être plus réactif et faire face, par exemple, à des difficultés à l’export, une crise énergétique ou une pénurie de main-d’œuvre. C’est plutôt une bonne chose, commente Arnaud Bouverat. Je regrette simplement que nous n’ayons pas été impliqués en amont. Cela aurait été l’occasion de réfléchir à la coordination du fonds avec les autres dispositifs, tels que le Fonds de lutte contre le chômage ou la fondation de formation de l’industrie des machines. L’important c’est que nous puissions maintenant intégrer dans le règlement l’obligation de respect des droits sociaux et syndicaux, le respect des CCT et l’absence de sous-enchère salariale. Le fonds chômage a déjà introduit des critères de ce type. Entre les commissions paritaires et tripartites, nous avons des outils pour vérifier la bonne utilisation des deniers publics. C’est un préalable important pour nous les syndicats, mais aussi pour l’Etat qui doit veiller à ne pas subventionner des entreprises qui ne remplissent pas leurs obligations.»

Jérôme Béguin

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