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«Nous n’avons plus rien à perdre!»

Grève de Leclanché Capacitors Sàrl à Yverdon.
© Thierry Porchet

Les grévistes de Leclanché Capacitors ont proposé à la direction des alternatives aux licenciements, balayées, dénonce Unia, d’un revers de main.

Douze employés de Leclanché Capacitors à Yverdon, propriété du groupe Mersen, ont entamé une grève vendredi dernier. Soutenus par Unia, ils luttent pour tenter de sauver leur emploi à la suite de l’annonce de délocalisation de la production. Et exigent l’ouverture de vraies négociations, la prise en compte d’un repreneur potentiel et, à défaut, un plan social digne de ce nom

Fin août, les 17 employés de Leclanché Capacitors Sàrl, entreprise fabricant des condensateurs, aux mains du groupe français Mersen depuis juillet 2018, ont été informés de la fermeture prochaine de leur site d’Yverdon-les-Bains en vue d’une délocalisation vers l’Allemagne. Une décision qui interpelle, sachant qu’elle se porte bien et que son carnet de commandes est bien rempli malgré la crise sanitaire. Et qui choque aussi, Leclanché Capacitors Sàrl ayant bénéficié de RHT depuis juin 2019 et disposé d’un fonds de soutien à l’industrie de la part de l’Etat de Vaud de 100000 francs pour l’achat de plusieurs machines de production...

Reprise écartée

Lors de la procédure de consultation, les travailleurs ont monté un rapport, proposant notamment un potentiel repreneur prêt à racheter la totalité de la société et à maintenir les places de travail, en vain. «A peine lues, nos propositions ont été balayées d’un revers de main», regrette Nicole Vassalli, secrétaire syndicale à Unia. «Pire, nous avons constaté d’importants manquements au cours de la consultation. En effet, le groupe Mersen a continué à organiser le démantèlement de l’entreprise pendant que le personnel planchait sur son sauvetage, violant ainsi les dispositions légales en matière de licenciement collectif.»

Personnel dupé

Afin de dénoncer cette attitude et de mettre la pression pour préserver les emplois, une douzaine de salariés se sont mis en grève à partir du 30 septembre à midi. La réponse a été très violente. «Le lendemain, les employés ont reçu des menaces de licenciement immédiat, rapporte, scandalisée, la syndicaliste. La direction nous a informés qu’elle ne souhaitait pas vendre la totalité de la société et nous a confirmé la délocalisation, ajoutant que le rapport produit par les employés ne proposait pas de vraies solutions. Pour nous, leur décision a été prise depuis longtemps et le groupe n’a jamais eu l’intention d’entrer en matière sur la sauvegarde des emplois. Nous avons été menés en bateau.»

Négocier, maintenant!

A l’heure où nous mettions sous presse, ce lundi, l’espoir d’une revente et du maintien du site et de ses emplois était maigre.

La grève se pousuivait donc, avec la même revendication: ouvrir de vraies négociations. «Si ce n’est pas en vue d’une reprise, ce sera pour un plan social, car les indemnités proposées jusqu’ici sont loin d’être suffisantes.»

Témoignages

Bernard*

«On ressent une profonde injustice, car les affaires ne vont pas si mal. Pour nous, cette délocalisation ne se justifie pas. Nos salaires font vivre 17 familles et, aujourd’hui, ces familles sont sacrifiées pour prétendument sauver notre entreprise sœur en Allemagne, mais nous avons bien compris que c’était pour remplir les poches du groupe Mersen…

Nous avons la chance d’être un petit groupe de collègues très unis et très solidaires, prêts à défendre les intérêts de tous. Nous nous montrons pacifistes, nous n’avons jamais voulu la guerre, et pourtant, la direction à Paris est tout de suite apparue comme très agressive pour nous déstabiliser, et même si cela n’a pas marché, ça fait mal. Nous irons jusqu’au bout, car nous avons déjà tout perdu.

Au départ, notre but était de sauver les emplois et l’entreprise, mais ce rêve s’éloigne petit à petit. A ce stade, ce que l’on souhaite, c’est que cette histoire se termine au mieux pour nous tous. La plupart des travailleurs de la production ne sont pas qualifiés et sept collègues ont plus de 55 ans: on s’inquiète pour eux, surtout en cette période compliquée. Nous avons également dans le lot une jeune apprentie pour qui cette fermeture est très difficile à gérer.»


Boris*

«Cela fait 32 ans que je travaille dans cette entreprise, et je n’ai rien vu venir, même s’il faut dire que, depuis le rachat de Leclanché Capacitors par Mersen, les choses se sont dégradées. Dans notre rapport présenté à la direction, on lui a démontré qu’on pouvait très bien s’en sortir sans le groupe et qu’une reprise de l’entreprise était possible, mais ils s’acharnent, ils ne veulent pas lâcher le morceau, juste par principe. On sacrifie notre savoir-faire et nos compétences reconnus au nom du profit et du capitalisme, et ça, c’est insoutenable. En tout cas, on ne va pas se laisser faire, on tiendra le coup et on est déterminés à se battre. Si nous n’arrivons pas à maintenir les places de travail via une revente, il s’agira de négocier des indemnités, celles proposées jusqu’à maintenant étant dérisoires.»

*Prénoms d’emprunt.

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