«Traités comme des rats»
Lucie (prénom d’emprunt) a été embauchée par Securitas lorsque l’entreprise a décroché le mandat à Cointrin, mettant son prédécesseur ISS sur la touche. Elle décrit des conditions de travail insupportables.
«Nous sommes épuisés moralement et physiquement. Nous travaillons jusqu’à 11 heures par jour et les temps de pause ne sont pas respectés. Actuellement, c’est la période charter avec la saison de ski, les passagers sont très nombreux mais, étant en sous-effectifs, Securitas n’arrive pas à nous donner nos pauses. Elles sont notées mais on ne peut pas les prendre! Samedi dernier, j’ai travaillé 10h30 d’affilée avec deux pauses de 30 minutes. Pourtant, l’aéroport paie Securitas pour qu’on ait 15 minutes toutes les 2 heures, mais il n’y a personne pour nous relayer donc elles sautent. De plus, nous n’avons pas de salle de pause digne de ce nom: avec les collègues, on mange et on se repose dans les vestiaires, au sous-sol, comme des rats. Si, au moins, on était bien payés, mais ce n’est pas le cas. Nous sommes censés avoir un salaire fixe, mais je n’ai jamais le même montant à la fin du mois. Je dois toujours contrôler ma fiche de paie: par exemple, j’ai été payée 113 francs de moins que le mois dernier, et on n’a toujours pas daigné me donner une explication… D’autant que nos conditions diffèrent de ceux qui étaient chez ISS avant: ils gagnaient jusqu’à 3 francs de plus par heure, ils avaient 50 francs de frais de pressing par mois, nous zéro, et ils pouvaient prendre une 5e semaine de vacances à leurs frais, pas nous. Ces inégalités de traitement ne sont pas normales.
Nous travaillons pour une entreprise de sécurité, mais les employés eux-mêmes ne se sentent pas en sécurité. Et entre nos horaires et les problèmes de sous-effectifs, nous avons peur qu’un passager à risque nous échappe, par fatigue ou inattention de notre part.
Aucune communication n’est possible avec l’employeur, et il n’y a plus aucune confiance non plus. Les employés se montrent solidaires mais beaucoup n’osent pas se mobiliser ou aller vers les syndicats car ils ont peur de perdre leur emploi. Nous avons créé un groupe WhatsApp pour échanger des informations entre nous et nous organiser, à la suite de quoi la direction nous a fait parvenir une lettre nous disant que c’était interdit et que nous devions nous tenir à la confidentialité. L’intimidation va plus loin car, dès que Securitas est confronté à des travailleurs qui résistent, il les licencie. Je suis persuadée que c’est ce qui s’est passé dans mon cas. J’ai été remerciée du jour au lendemain, mi-décembre, pour «raisons économiques» alors que des auxiliaires ont déjà été embauchés en janvier et que des offres d’emploi circulent encore: quelle ironie! Je devais finir mon contrat fin février mais à cause de deux jours d’arrêt maladie ce mois-ci, mon préavis a été prolongé au 31 mars: eh bien, je préfère être pénalisée au chômage plutôt que de travailler 30 jours de plus là-bas!»