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Pour les syndicats latins, le poids de l’inflation est sous-estimé

manifestation pour le pouvoir d'achat
© François Graf / Strates

Le 1er Mai à La Chaux-de-Fonds. Une fois les impôts, le loyer, les primes et autres charges payés, les personnes à revenus normaux ou bas ont moins pour vivre aujourd’hui qu’en 2016.

Les faîtières cantonales de Suisse romande et du Tessin présentent à l’USS une résolution visant à affiner l’Indice suisse des prix à la consommation, pour mieux l’adapter aux bas revenus.

Avec les négociations salariales en cours, l’automne est définitivement placé sous le signe de l’inflation et du pouvoir d’achat. Après la grande manifestation organisée le 21 septembre à Berne par les syndicats, qui exigent jusqu’à 5% d’augmentation afin de rattraper la baisse des salaires réels (après déduction du renchérissement) depuis 2021, les faîtières des cantons latins veulent élargir le débat à la question de l’Indice suisse des prix à la consommation (IPC). 

Calculé par l’Office fédéral de la statistique (OFS), celui-ci sert à mesurer le renchérissement des biens et services de consommation, et joue donc un rôle crucial dans les négociations entre partenaires sociaux. On s’y réfère en effet dans certaines conventions collectives de travail pour indexer les salaires à l’évolution du coût de la vie – quand c’est le cas, ce qui est hélas encore loin d’être systématique.

Primes maladie escamotées
Or, pour les faîtières syndicales de Neuchâtel, du Valais, du Tessin, de Genève, du Jura, de Fribourg et du canton de Vaud, la méthode de calcul de l’IPC donne une image trompeuse de la réalité, en particulier pour les bas revenus. Elles ont déposé un projet de résolution auprès de l’Union syndicale suisse (USS), qui devrait être débattu lors de sa prochaine assemblée des délégués, le 29 novembre.

D’une part, il est reproché à l’IPC de ne pas tenir compte des primes d’assurance maladie, qui pèsent de plus en plus sur le budget des ménages, comme on vient de le voir avec la traditionnelle annonce de la hausse annuelle des primes. «Pour l’OFS, cela ne relève pas de la consommation, puisque cet argent est restitué aux assurés sous forme de prestations finançant les frais médicaux. On invisibilise ainsi une dépense dont l’augmentation continuelle étrangle les ménages», déplore Alexandre Martins, coprésident de l’Union syndicale cantonale neuchâteloise (USCN), à laquelle on doit l’initiative de cette résolution. Il y a là pour lui une injustice sociale, puisque les primes ne sont pas fixées en fonction du revenu et frappent donc plus durement les bas salaires. 

D’autre part, l'IPC sous-estime l'augmentation réelle du coût de la vie pour les salariés les plus modestes, puisqu’il mesure son impact sur un ménage de revenu moyen. Par exemple, alors que l’OFS chiffre à 25,25% la part moyenne du revenu consacrée au logement et à l’énergie, cela peut se monter à 30% ou à 35% pour les bas revenus, estime Alexandre Martins.

Le renchérissement n’est pas le même pour tous
Début septembre, l'USCN a organisé une conférence sur ce thème, à laquelle participait le conseiller national vaudois et économiste Samuel Bendahan. Le socialiste y a présenté ses propres calculs, basés notamment sur l'enquête de l'OFS sur le budget des ménages, et incluant les primes d'assurance maladie. D'après lui, alors que de 2000 à 2022, l'IPC chiffre l'augmentation du coût de la vie à environ 14%, elle serait en fait de 21% pour un ménage vivant avec 6000 francs par mois, et de 30% avec 4000 francs.

Samuel Bendahan avait déjà soumis cette problématique au Parlement en 2017. Mais le Conseil fédéral avait alors jugé trop compliqué et coûteux d'intégrer dans l'IPC les dépenses obligatoires telles que les primes d'assurance maladie. Le gouvernement ajoutait qu’entre 2000 et 2003, l'OFS a produit des indices de prix à la consommation pour différents groupes socioéconomiques, mais que, malgré de subtiles différences, ils suivaient grosso modo la même tendance que l'IPC. 

Quoi qu’il en soit, les cosignataires de la résolution sont d’avis que les syndicats auraient tout intérêt à se doter d’un indice de renchérissement différencié selon les catégories de revenus, sur lequel s’appuyer lors des négociations salariales. Selon eux, celui-ci devrait prendre en compte de manière réaliste, outre l’augmentation des primes d’assurance maladie, tous les éléments pesant sur le budget des ménages, comme la hausse des loyers, les multiples taxes (vignette, taxe au sac, redevance télé, etc.), les frais de crèche, le prix des carburants et des transports publics, etc.

Alexandre Martins est conscient que l’IPC, qui sert aussi à faire des comparaisons entre pays, est basé sur un standard international. «Il ne s’agit pas de calculer un indice individuel pour chaque habitant, précise-t-il, mais on devrait quand même pouvoir disposer d’une analyse un peu plus fine, en fonction des classes de revenu, que ce qui existe actuellement.»

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