Inégalités de revenus entre femmes et hommes
Salaires bas et médians chez les femmes ayant un CFC
Une analyse de l’Union syndicale suisse confirme des salaires plus bas dans les métiers exercés par une majorité de femme. Une situation inacceptable
«Pour supprimer la discrimination structurelle, les salaires des femmes doivent progresser!» Vania Alleva, présidente d’Unia et vice-présidente de l’Union syndicale suisse (USS), a rappelé, lors d’une conférence de presse, les inégalités professionnelles subies par les femmes, surtout lorsqu’elles travaillent dans des branches où elles sont majoritaires (commerce de détail, soins, crèches, EMS, hôtellerie-restauration…). Les rémunérations y sont plus basses, la progression salariale plus faible et le 13e salaire plus souvent inexistant que dans les branches dites «masculines». Les différences sont d’autant plus aiguës dans le secteur privé.
«Les femmes luttent avec des salaires trop bas et des rentes trop faibles. Elles ont du mal à concilier vie privée et vie professionnelle», résume Vania Alleva, avant d’ajouter: «Tant que les femmes recevront des salaires qui ne leur permettent pas de vivre ou à peine, nous n'aurons pas de véritable égalité. Sans salaire correct, il n’est pas possible de mener une existence autonome et autodéterminée.»
Formées, mais mal payées
Une étude de l’USS (voir ci-dessous) souligne, en effet, que plus de la moitié des femmes gagnent moins de 4200 francs par mois. Et une sur quatre, moins de 2500 francs. Une situation qui s’explique notamment parce qu’elles travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes, pour s’occuper de leurs enfants et de leurs proches. Et parce que leurs salaires horaires sont nettement plus bas que ceux de leurs homologues masculins. Comme l’indique l’étude de l’USS, elles sont pourtant au bénéfice de bonnes formations et leurs postes sont exigeants et impliquent de grandes responsabilités. C’est notamment ce que met en évidence Fanny Hostettler, coprésidente du comité vaudois des assistantes en pharmacie d’Unia: «Notre travail est complexe: contrôler la prise correcte des médicaments, conseiller, connaître nos limites et pouvoir aiguiller les clients vers des spécialistes, être à jour constamment sur l’évolution des connaissances médicales, gérer les stocks, connaître les particularités de chaque produit, notamment leur conservation… Cela représente beaucoup de responsabilités et de charge mentale, car une erreur peut avoir des conséquences graves. Or, le métier est toujours sous-payé, avec des salaires, en sortant de l’apprentissage, qui se situent entre 3800 et 4200 francs brut.» Pour la militante d’Unia, la revalorisation de ce «beau métier» est donc essentielle, en termes de salaire et de progression salariale.
Progression salariale trop faible
Alma Kaiser, assistante socioéducative dans l’accueil de jour des enfants, membre du Syndicat des services publics (SSP), abonde dans ce sens: «Toutes se lancent dans ce métier avec beaucoup de motivation. Mais après plusieurs années, elles constatent que l'évolution salariale est insuffisante et que le salaire ne correspond pas aux exigences et aux grandes responsabilités. Il n'est donc pas étonnant que beaucoup quittent la profession.»
Un constat qui se retrouve aussi dans l’hôtellerie-restauration où les travailleuses expérimentées ne gagnent souvent pas davantage que leurs jeunes collègues. «Les employeurs savent pourtant qu’il est important d’avoir des employées avec une longue expérience dans leurs équipes. Mais ils ne veulent tout simplement pas l’honorer en termes de salaire», déplore Beatriz Gonçalves, employée dans la restauration et membre d’Unia.
De surcroît, si le 13e salaire concerne environ 80% des travailleuses et des travailleurs en Suisse, seules 8% des coiffeuses et des esthéticiennes en bénéficient, et pas plus de la moitié du personnel des magasins de vêtements. De nouveau, les femmes sont les grandes perdantes, dénonce Natascha Wey, secrétaire générale du SSP et vice-présidente de l’USS qui rappelle: «Des salaires trop bas aboutissent à l’âge de la retraite à des rentes insuffisantes…»
Revendications syndicales
Face à ces inégalités, l’USS revendique une série de mesures. A commencer par l’instauration d’un salaire d’au moins 5000 francs par mois pour toute personne ayant effectué un apprentissage. Avec l’objectif d’un revenu minimal de 4500 francs pour celles et ceux sans formation, la faîtière demande, dans l’immédiat, au moins 4000 francs (fois 13). Les conventions collectives de travail (CCT) doivent fixer des salaires minimums en conséquence. De plus, de nouvelles CCT doivent couvrir les branches où elles sont inexistantes ou limitées, par exemple dans les crèches et le commerce de détail. Il s’agit d’instaurer un 13e salaire pour tout le monde, des analyses des rémunérations dans toutes les entreprises et des sanctions efficaces pour lutter contre la discrimination salariale. L’égalité en matière de salaire et la hausse des revenus des femmes doivent faire partie intégrante de toutes les négociations entre partenaires sociaux; et l’accueil des enfants doit être organisé en tant que service public afin de répartir plus équitablement le travail rémunéré et non rémunéré entre femmes et hommes. Des investissements plus élevés sont demandés dans le service public afin d’améliorer les conditions de travail dans l’accueil des enfants, la santé et l’action sociale. Autant de revendications qui seront portées par la Grève des femmes le 14 juin: «Du respect, du temps, de l’argent!»
Dossier No 156 de l’USS : De meilleurs salaires pour les femmes. Maintenant! Une analyse des salaires des travailleuses et des travailleurs en Suisse. Première partie, mai 2023. Disponible sur: uss.ch/actualite