Témoignages de militants d’Unia
Paulo Rebelo, Portugais, GI migration: «J’ai milité au Portugal dès l’âge de 8 ans. Quand je suis arrivé ici, le fait de ne pas avoir voix au chapitre politiquement m’a endormi. J’ai comme été anesthésié pendant vingt ans. J’ai su seulement des années après que je pouvais entrer dans un parti même sans le passeport suisse. J’espère avoir un jour la nationalité suisse, mais au vu de ma situation, cela va être difficile.»
H., Franco-Marocaine, GI femmes: «Je vis à Neuchâtel depuis douze ans. En voyant comment la situation se dégrade pour les migrants, j’ai demandé un permis C que je n’ai toujours pas obtenu, ni pour moi ni pour ma fille. Celle-ci a 18 ans et aurait aimé se former dans l’aviation civile – or, seules les personnes avec le passeport suisse peuvent suivre ce cursus. J’aimerais que la Suisse nous reconnaisse. Je rêverais de pouvoir voter ici. En tant que travailleuse qualifiée dans la recherche et le développement, je sens que ma carrière est freinée du fait de n’être pas naturalisée. J’ai un sentiment d’injustice.»
M., Egyptien, à la retraite, GI migration: «Etudiant à Alexandrie, je suis venu travailler un été en Suisse, et je me suis promis de revenir tant j’ai aimé. Je suis arrivé en 1980 à l’Université de Genève, puis suis parti en France un moment. Je me sens chez moi ici. J’ai eu mon passeport suisse en 2004, après des années et des années de lutte. Cela n’a pas été facile», raconte-t-il, très ému, les larmes aux yeux.
Une résolution pour une naturalisation facilitée
En fin d’après-midi, la rencontre s’est conclue sur une résolution acceptée à l’unanimité. Elle stipule notamment: «Nous revendiquons haut et fort et de manière solidaire l’égalité des droits politiques pour toutes et tous.» Et revient sur les discriminations vécues au quotidien, surtout pour les personnes sans passeport suisse. Leur situation est ainsi souvent synonyme de métiers physiquement éprouvants, de salaires bas, de faibles retraites, de problèmes de santé et de la crainte de recourir à l’aide de l’Etat – même si c’est un droit – par peur de perdre leur droit de séjour. «Personne n’est une marchandise que l’on peut exploiter et jeter», indique encore la résolution. Celle-ci exige «le droit à la citoyenneté pour les générations nées en Suisse; le droit à la citoyenneté dès quatre années de résidence, sans entraves bureaucratiques et financières; les droits civiques aux niveaux communal et cantonal pour les personnes qui résident de manière permanente».
A la suite de la rencontre, Marie Saulnier Bloch, secrétaire spécialisée dans le domaine de la migration d’Unia, rappelle que cette résolution est la suite logique de nombreuses actions, engagements et discussions menés par le syndicat depuis des années. «Il est inacceptable que la Suisse exclue de la vie politique encore aujourd’hui un quart de sa population – plus de deux millions de personnes!» Si le droit de vote des personnes sans passeport suisse est possible dans certaines communes et dans les cantons de Neuchâtel et du Jura, pourquoi ne pas aller dans ce sens au niveau fédéral? «La tendance politique actuelle va dans une autre direction, explique Marie Saulnier Bloch. Les personnes qui n’ont pas la nationalité suisse sont précarisées parce que l’on établit un lien de dépendance entre leur droit de séjour et l’aide sociale, les connaissances linguistiques ou l’absence de dettes. De surcroît, les conditions de naturalisation doivent être facilitées, car elles sont les plus restrictives d’Europe occidentale. Les exigences et les procédures varient beaucoup d’une commune ou d’un canton à l’autre, tout comme les coûts à la charge du candidat (en moyenne entre 500 et 2000 francs). Dans certaines communes, les autorités vont même jusqu’à effectuer des “visites surprises” au domicile du candidat.»