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Violences domestiques: migrantes mieux protégées

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© CSP

L’an dernier, le CSP a accompagné 85 personnes et donné 748 consultations relatives aux violences domestiques. Si Chloé Maire salue les avancées légales, elle note que la population concernée reste vulnérable, méconnaissant souvent ses droits.

La lutte contre les violences domestiques à l’encontre des migrantes connaît des avancées avec l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions légales. Le point sur la avec Chloé Maire, travailleuse sociale.

Depuis le début de l’année, les femmes migrantes subissant des violences domestiques bénéficient d’une meilleure protection à la suite de l’introduction de nouvelles dispositions légales. Ces mesures alignent enfin la Suisse avec les standards européens sur ce terrain. De quoi réjouir le Centre social protestant (CSP) Vaud qui s’investit dans ce combat depuis une vingtaine d’années déjà. Spécialisée en droit des étrangers et travailleuse sociale à La Fraternité – un service du CSP Vaud traitant des questions concernant les personnes immigrées à l’exception de l’asile –, Chloé Maire fait le point sur la thématique.

Pourquoi différencie-t-on les migrantes victimes de violences domestiques d’autres femmes subissant de pareilles dérives?

C’est effectivement une aberration: jusqu’à fin 2024, la loi n’offrait pas les mêmes protections aux migrantes confrontées à la violence qu’aux personnes indigènes. Si ces migrantes quittaient leur domicile, elles risquaient d’être expulsées. On ne peut que se réjouir de la fin de cette inégalité de traitement criante, mais tout n’est pas résolu pour autant. La population concernée reste vulnérable, car elle méconnaît souvent ses droits. Malgré la modification légale, il leur faut encore démontrer les violences subies pour obtenir un nouveau permis lorsque leur autorisation de séjour dépend d’un regroupement familial qui exige de faire ménage commun. Ce n’est pas toujours aisé, notamment à cause de la barrière de la langue, du manque de personnes à qui se confier, ou du fait de ne pas savoir où et à qui s’adresser.

Quelles sont concrètement les améliorations légales obtenues?

Depuis le début de l’année, toutes les migrantes victimes de violences domestiques, y compris celles titulaires d’un permis plus précaire (L ou F), peuvent voir leur autorisation de séjour non renouvelée si elles quittent leur domicile pour fuir la violence. En revanche, elles disposent désormais toutes du droit à recourir jusqu’au Tribunal fédéral, un recours qui n’était auparavant possible que pour les épouses et les époux de ressortissants suisses ou de titulaires d’un permis C. 

Autre avancée: les indices de violences reconnus par la loi sont élargis et ne se limitent plus aux cas les plus graves et répétés. Ces éléments doivent être pris en considération par les autorités, et ce n’est plus seulement précisé dans l’ordonnance, mais bel et bien inscrit dans la loi. Les victimes peuvent désormais aussi quitter leur foyer si les violences proviennent d’un autre membre de la famille que leur mari, comme un beau-père ou une belle-mère. Le terme de violence conjugale s’est ainsi élargi à la violence domestique.

De quelle population parle-t-on?

Il s’agit de ressortissantes de pays hors de l’Union européenne qui, en dehors d’un regroupement familial, ont un accès quasi nul au marché du travail. Cette dépendance économique les rend très fragiles: elles hésitent à fuir leur foyer de peur que les autorités ne renouvellent pas leur permis de séjour. Elles ont peur d’être renvoyées de Suisse et séparées de leurs enfants – une menace souvent brandie par les auteurs de ces violences. A l’exception des personnes dont le retour dans le pays d’origine est compromis, par exemple à cause de l’interdiction du divorce ou des risques de crimes d’honneur, il était auparavant très difficile de faire reconnaître les violences subies, car seuls les cas de violences considérés comme suffisamment intenses et systémiques étaient pris en compte. 

Y a-t-il des profils types de victimes de ce genre de violences? 

Non, on en trouve dans toutes les couches sociales, professions et nationalités. Les violences peuvent, elles, être d’ordre physique, psychique, sexuelle et économique. 

Vous recensez de nombreux cas?

En 2024, La Fraternité du CSP Vaud a suivi 85 personnes – quasi toutes des femmes – et a donné 748 consultations. Malheureusement, les victimes consultent souvent tardivement. Elles ont peur que leur mari l’apprenne, ont tendance à minimiser les faits et mettent du temps à comprendre où se rendre et comment se défendre. 

Comment le CSP Vaud fait-il pour les atteindre?

Sous l’égide du Bureau vaudois de l’égalité et avec l’aide de personnes ayant des vécus similaires, nous avons élaboré en 2024 une campagne vaudoise s’adressant aux victimes migrantes, affichant: «Avec ou sans permis, vous avez des droits.» La campagne comprend une série de flyers, d’affiches de différents formats et d’autocollants diffusés dans des centres médico-sociaux, des toilettes publiques, des supermarchés, des bus, des offices de postes, etc.

Quels sont vos prochains objectifs?

Nous avons encore beaucoup de défis à relever en Suisse: on recense en moyenne deux féminicides et homicides liés à la violence domestique chaque mois, un chiffre nettement plus élevé que dans d’autres pays européens. Il est essentiel de déployer toutes les mesures nécessaires pour empêcher les récidives et de créer davantage de places dans les foyers d’urgence. Par ailleurs, mieux reconnaître les diplômes étrangers et valoriser les compétences acquises pourrait aider les personnes migrantes à s’émanciper d’une relation violente. Enfin, il faudrait également accélérer les procédures de renouvellement du permis de séjour afin de favoriser la reconstruction des victimes. 

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