Réactions de chauffeurs de taxi
Olivier Sava, membre de la coordination Unia des taxis:Il n’y a pas eu de volonté politique de protéger les compagnies officielles de taxis présentes à Lausanne depuis 45 ans. Au contraire, c’est comme si la décision avait déjà été prise au mois de mai 2018, lorsque nous avons commencé à nous battre pour les sensibiliser aux risques que représentent Uber et les nouvelles technologies. Les élus n’ont pas voulu nous entendre. Et se tirent une balle dans le pied. Car si Uber ne paie pas ses impôts ici, il n’y a pas de redistribution possible. Cela crée de la précarité. J’ai été moi-même chauffeur Uber. La société me promettait un salaire de 4000 à 5000 francs par mois. Je n’y suis jamais arrivé, avec des journées de travail de plus de 10 heures. Les chauffeurs formés n’ont aucune protection contre cette concurrence. L’examen que j’ai passé, c’est 80 questions sur la sécurité, les trajets, les parcours, le service à la clientèle… J’ai beaucoup appris. Cet examen donne une qualité à ce métier, alors que les entreprises bon marché le dévalorisent.
L’avenir? Le transport de personnes est saturé à Lausanne. Il y a beaucoup trop d’offres par rapport à la demande. Même des chauffeurs Uber du Valais viennent travailler ici. Pour ma part, je souhaite continuer ce travail, mais peut-être dans une autre région. Face à une société qui prône les nouvelles technologies et l’individualisme, la solidarité est nécessaire. J’ai appris l’importance de se rassembler humainement autour d’une même cause.
Olivier Bapst, président de l’Association des chauffeurs de taxi salariés (Acts): On attend la mise en application de la loi et les règlements communaux. Ce qu’on aimerait, c’est que dans les autocollants VTC, il y ait une puce pour contrôler si c’est bien la bonne personne qui conduit et si c’est bien la bonne voiture… J’ai fait partie de ceux qui sont allés trouver les parlementaires. A gauche, ils étaient à l’écoute, à droite pas du tout. Je m’attendais à ce que l’UDC nous soutienne contre une entreprise américaine qui ne donne rien en Suisse, ce qui n’a pas été le cas. Depuis, je pense vraiment qu’il faut arrêter de voter à droite. Au début, j’étais l’un des plus pacifiques. Je ne voulais pas qu’on bouscule les habitants. Peu à peu, je me suis dit qu’une grève était nécessaire. On aurait dû bloquer des routes, plutôt que de rester tranquilles comme de bons Suisses. Mais beaucoup de chauffeurs avaient peur pour leur travail, de perdre de l’argent. Avec 24 nationalités dans nos rangs, plusieurs associations et de forts caractères, on a de la peine à rassembler tout le monde. Si les taxis étaient réunis en une seule grande organisation, on arriverait peut-être à quelque chose. Acts est une jeune association qui n’a que 8 mois. Une charte éthique est en préparation et nous devons faire connaître nos qualités. C’est à nous de fidéliser notre clientèle. Je n’aime pas travailler 10 heures d’affilée pour ne toucher que 100 francs… Des collègues ont besoin de l’aide sociale pour s’en sortir. Je pense qu’on touche le fond, donc on ne peut que remonter. AA