«Et les employés dans tout ça?»
A Genève, 280 cafés et restaurants pourraient fermer, laissant environ 1500 employés sur le carreau. Les syndicats exigent du Conseil d'Etat des mesures de soutien
La nouvelle est tombée le 11 octobre à Genève. Quelque 280 hôtels, restaurants, bars ou cafés seront bientôt contraints de mettre la clé sous la porte pour non-respect de la nouvelle Loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement (LRDBHD). En effet, un sursis de plus de deux ans avait été accordé pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions légales, mais il semblerait que 10% des établissements du canton n’ont pas joué le jeu. A ce jour, et à notre connaissance, une vingtaine d’entreprises ont déjà fermé. Impossible toutefois de savoir lesquelles, ni pourquoi. Les infractions ou les manquements justifiant une telle fermeture peuvent être multiples: violations des usages ou de la Convention collective nationale de travail, recours au travail au noir ou encore absence de patentes.
Si les syndicats Unia et SIT se réjouissent de l’entrée en vigueur de la «nécessaire» nouvelle LRDBHD, qui garantit le respect des conditions de travail dans le secteur et qui sanctionne les abus patronaux, ils posent ouvertement la question au Département de l’économie et de la santé (DES): «Et les employés dans tout ça?» «Nous sommes très étonnés de ne pas avoir été informés et consultés dans ce processus», réagit Marlene Carvalhosa Barbosa, secrétaire syndicale au SIT, qui estime que 1500 travailleurs pourraient être touchés.
Conditions de travail délabrées
Dans un secteur très précaire, en proie au dumping, au travail au noir, à la concurrence déloyale, au chômage et aux faillites à répétition, Unia et Syna rappellent qu’un tiers des établissements genevois ne respecte pas l’enregistrement du temps de travail et qu’un cinquième n'applique pas les salaires minimums, pourtantdéjà parmi les plus bas de Suisse. «Nous craignons que les établissements visés ne paient pas le dernier salaire ou encore ne fournissent ni lettre de licenciement, ni fiche de salaire, ni attestation de l’employeur, poursuit Artur Bienko, secrétaire syndical à Unia. Cela compliquerait considérablement les inscriptions au chômage et pourrait retarder le délai de paiement des indemnités. Ce n’est pas aux employés d'en pâtir alors que la faute vient de l’employeur qui n’a pas pris la peine de se mettre à jour.»
Mesures d'accompagnement
Dans ce contexte, les syndicats ont envoyé le 18 octobre au DES, et à son chef de file Mauro Poggia, une demande de rencontre urgente afin que des mesures de soutien aux travailleurs soient prises rapidement. Trois axes sont évoqués: la mise en place d’une bourse à l’emploi spécifique par l’Etat, l’ouverture d’un guichet spécial pour soutenir les employés dans leurs démarches en cas de faillite de l’entreprise, et enfin, la mise en place d’un canal d’annonce des fermetures des établissements, afin de pouvoir s’assurer que les procédures de licenciements collectifs soient respectées et pour que les syndicats puissent venir en aide aux employés. «Les travailleurs ont des droits, nous sommes là pour les épauler», insiste la syndicaliste du SIT.
A ce stade, le conseiller d’Etat n’a pas encore réagi. Les fermetures pourraient être annoncées par vagues, d’ici à la fin de l’année, selon les syndicats. «Nous espérons que des fermetures temporaires seront possibles afin de laisser une dernière chance aux employeurs de se mettre en conformité, conclut Artur Bienko. Enfin, nous appelons les 260 établissements restants à mesurer les conséquences qu’aurait leur non mise en conformité sur leurs employés…»