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«Le personnel de l’hôtellerie-restauration doit être protégé»

Terrasse déserte. Chaises empilées.
© Neil Labrador

Après huit semaines de fermeture totale, les restaurants de toute la Suisse pourront rouvrir leurs portes lundi prochain, à certaines conditions Quelque 20000 établissements publics sont concernés.

Les restaurants vont rouvrir le 11 mai, bien avant ce qui était attendu. Le point avec le responsable de la branche à Unia

Après huit semaines de fermeture totale, les restaurants de toute la Suisse pourront rouvrir leurs portes, à certaines conditions, le 11 mai. Le Conseil fédéral l’a annoncé la semaine dernière, alors que ces réouvertures n’étaient pas prévues dans le plan de déconfinement progressif, en trois étapes, du 27 avril au 8 juin. Les pressions énormes des associations patronales de la branche, en particulier de GastroSuisse et de la Fédération suisse du tourisme, ont porté leurs fruits. Le gouvernement a donc prévu, avant l’heure, la réouverture des quelque 20000 établissements publics. En revanche, les remontées mécaniques et les services de navigation touristiques ne sont pas encore concernés. Les hôtels, quant à eux, n’ont jamais été obligés de fermer, mais leur activité a été fortement réduite.

Scepticisme de restaurateurs

Le Conseil fédéral a posé des conditions strictes pour l’accueil des clients: quatre personnes par table, ou des parents accompagnés de leurs enfants, ainsi qu’un espace de deux mètres entre les tables ou la pose d’une séparation. Quant au personnel, les établissements devront respecter le plan de protection élaboré pour la branche.

Cette reprise est-elle prématurée? «Ce n’était pas à nous de décider du moment, explique Mauro Moretto, responsable national de la branche de l’hôtellerie-restauration à Unia. Mais on peut constater qu’en début de semaine passée, beaucoup de restaurateurs étaient très critiques face à une reprise rapide, car cela implique des charges fixes, comme le loyer, alors que le nombre de clients sera limité. Ce scepticisme n’émanait pas seulement de la Suisse romande et du Tessin. Un sondage de Gastro Zurich auprès de ses membres indiquait que 11% d’entre eux étaient pour rouvrir, 30% pour le faire sans limitations et plus de 50% étaient contre la réouverture.» Le syndicaliste doute aussi d’une forte affluence de clients: «On va au restaurant pour avoir du plaisir, ce qui est difficile quand de nombreuses personnes restent encore confinées.»

Concept de protection essentiel

«Pour le syndicat, aujourd’hui, l’important est que les employés soient protégés. Il faut un concept de protection pour la branche qui tienne la route», poursuit Mauro Moretto. Contrairement à un premier projet insuffisant présenté il y a quelques semaines par GastroSuisse et HotellerieSuisse, auquel les syndicats n’avaient pas été associés, un nouveau plan de protection est en cours de finalisation. Unia et les autres partenaires à la Convention collective nationale ont été consultés par les associations patronales. «Dans l’ensemble, ce concept est une bonne base, mais nous avons demandé quelques ajouts, par exemple l’intégration de la question des personnes vulnérables. Leur situation est réglée par l’ordonnance fédérale, mais il est important de rappeler que ces employés ont le droit, même si des mesures sont prises par le patron, de rester à la maison et de continuer à percevoir leur salaire.» Le syndicaliste ajoute qu’il faudra veiller à ce que les mesures soient respectées. «Si ce n’est pas le cas, les corrections devront être réalisées rapidement, sinon l’établissement devra fermer. C’est ce que demande Unia depuis le début de la crise partout où le travail s’est poursuivi. Pour cela, il faudra aussi que les cantons se dotent de suffisamment de moyens de contrôles.»   

Quels sont les conseils à adresser aux employés? «Comme nous l’avons fait dans d’autres branches, nous allons produire un tract pour expliquer les mesures de protection et les droits des salariés dans l’hôtellerie-restauration. Nous allons également lancer une check-list en ligne qui portera sur les dispositions obligatoires. Elle permettra aux employés de nous avertir en cas de problèmes. Cela a très bien fonctionné dans le commerce de détail et dans la logistique.»

Une branche fortement affectée

Vendredi 13 mars, 15h30. Le couperet est tombé. Les restaurants, bars, discothèques et boîtes de nuit doivent limiter la fréquentation à 50 individus y compris le personnel. La restriction a été de courte durée. Le lundi 16 mars, lors de sa conférence de presse, le Conseil fédéral annonce la fermeture totale de ces établissements dès minuit le soir même. Côté salariés, l’inquiétude est grande, notamment chez les temporaires ou les auxiliaires. «Nous nous sommes battus avec succès pour que les réductions des heures de travail (RHT) soient aussi accordées à ce personnel très flexible. C’est probablement la branche où les demandes de RHT sont les plus fortes. Ce qui est du jamais-vu. Lors de crises précédentes, les employeurs avaient plutôt renvoyés des employés. L’élargissement des RHT a permis de limiter les licenciements, même si certains sont quand même à déplorer», souligne Mauro Moretto. Le responsable d’Unia ajoute qu’en raison du redémarrage progressif des activités, le chômage partiel sera toujours accordé là où le travail n’aura pas repris normalement. «Nous continuons également à exiger des autorités que les RHT couvrent le 100% des salaires. C’est particulièrement important dans l’hôtellerie-restauration, où les revenus sont modestes, même s’il le faut aussi ailleurs.»

En Suisse, la branche compte plus de 260000 salariés dans 28000 sociétés, dont les hôtels et les services de restauration d’entreprises qui ont pu poursuivre leurs activités. Avec environ 70% des employés au chômage partiel, l’hôtellerie-restauration est un des domaines les plus durement touchés par la crise du coronavirus. En comparaison, comme l’a indiqué Guy Parmelin, ministre de l’Economie, le 29 avril, 37% des actifs du pays sont en RHT, et plus de la moitié au Tessin et dans le Jura.

Reste encore le problème des loyers, grevant les finances des établissements. Si certaines communes ou cantons propriétaires d’immeubles ont fait un geste, l’association des régies immobilières s’est opposée à un accord jusqu’à présent. «Unia, en appui à d’autres organisations, a demandé au Conseil fédéral qu’une solution nationale soit trouvée, indique Mauro Moretto. Mais l’association des sociétés immobilières privées refuse d’entrer en matière, alors que, pendant des années, ces sociétés ont réalisé des gains importants. Ce n’est pas correct qu’elles ne s’engagent pas et qu’au final, ce soit aux contribuables de payer. C’est un point essentiel pour l’avenir de la branche.»

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