Les syndicats veulent des mesures d’accompagnement renforcées
Les pressions sur les salaires restent une réalité, comme le montre encore le rapport annuel du Secrétariat d’Etat à l’économie
Les pressions sur les salaires liées à la libre circulation des personnes entre l’Union européenne et la Suisse ne se relâchent pas, comme le montre le rapport annuel du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) sur la mise en œuvre des mesures d’accompagnement publié la semaine dernière. Sur la période 2016-2017, les commissions tripartites (Etat, employeurs et employés) et paritaires (employeurs et employés) ont vérifié le respect des conditions de travail et de salaire dans quelque 44000 entreprises suisses et étrangères et auprès de 170000 travailleurs. Dans l’ensemble du pays, 7% des entreprises suisses, 36% des travailleurs détachés et 33% des prestataires de services indépendants ont fait l’objet de l’un de ces contrôles introduits en 2004 et couvrant toutes les régions et tous les secteurs d’activité. Résultat, les taux de sous-enchère salariale relevés par les commissions tripartites cantonales restent stables, à 13% dans les sociétés suisses et 16% au sein des entreprises de détachement vérifiées, contre respectivement 11% et 14% la période précédente. Dans les entreprises assujetties aux conventions collectives de travail étendues, les infractions aux conditions d’embauche notées par les commissions tripartites passent de 27% pour les employeurs suisses et de 25% pour les entreprises de détachement à 24% chacun. Dans les sociétés suisses, les taux d’infractions les plus hauts ont été constatés dans la branche de la sécurité, dans le secteur principal de la construction et dans le nettoyage. Parmi les 6634 indépendants contrôlés, une indépendance fictive a été soupçonnée auprès de 461 cas au total, soit 7%.
Pas de recul des infractions
Le Seco appelle à interpréter ces chiffres «avec prudence», «les organes d’exécution appliquent une stratégie de contrôle basée sur le risque», soit sur le soupçon. Certes, mais, comme le relève l’Union syndicale suisse (USS) dans un communiqué, «plusieurs cantons ont fixé des salaires de référence si bas que les entreprises qui pratiquent la sous-enchère peuvent passer sans problème à travers les contrôles». Quoi qu’il en soit, ces statistiques indiquent des tendances qui permettent de tirer des conclusions politiques: les pressions sur les salaires sont une réalité, et les abus et les infractions ne reculent pas; les mesures d’accompagnement sont donc indispensables et doivent être renforcées, jugent les syndicats.
Avant toute chose, il faudrait que les mesures existantes soient correctement appliquées. L’USS et Unia regrettent que trop peu de cantons utilisent la possibilité d’interrompre les travaux sur les chantiers en cas de soupçon de dumping salarial. 142 suspensions ont été prononcées dans seulement cinq cantons: Genève (72), Berne (60), Vaud (4), Saint-Gall (4) et Valais (2). Unia demande «davantage de compétences des organes de contrôle paritaires en matière de suspension de travail en cas de dumping, des dispositions plus strictes dans le droit des marchés publics pour prévenir la sous-enchère salariale, une loi sur les faillites qui soit efficace et mette enfin un terme aux faillites frauduleuses sur le dos des salariés et une extension de la protection contre les licenciements, en particulier pour les salariés qui luttent contre le dumping salarial», détaille le syndicat dans sa prise de position.
Pas touche à l’obligation d’annonce
Une des mesures d’accompagnement est dans le collimateur de la Commission européenne, qui négocie un nouvel accord-cadre institutionnel avec la Confédération. Il s’agit de l’obligation d’annonce, soit la procédure qui oblige les prestataires de services européens à annoncer leurs employés aux autorités suisses huit jours avant le début de l'activité. Près de 240000 titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée (jusqu’à 90 jours) soumis à cette obligation ont pris une activité en Suisse en 2016-2017. Leur nombre a augmenté de 5% par rapport à l’année précédente et doublé en dix ans. Au niveau cantonal, le Tessin a été le canton le plus touché par la hausse des prises d’emploi de courte durée auprès d’un employeur suisse avec 15% des travailleurs additionnels actifs sur son territoire, suivi de Genève, Vaud, Berne et Argovie, crédités de 9% chacun. Ils ont dans l’ensemble fourni un volume total de travail équivalent à plus de 23000 travailleurs à l’année. Par rapport au volume de travail total des employés domiciliés en Suisse, cela ne représente qu’une part de l’emploi de 0,6%, mais supprimer cette obligation d’annonce «ouvrirait tout grand la porte à la sous-enchère», met en garde l’USS. Pour la faîtière syndicale, cette option n’entre juste «pas en ligne de compte» et, pour Unia, elle est «impensable». Rappelons que les mesures d’accompagnement sont la condition du soutien des syndicats à la voie bilatérale.
Unia juge préoccupante cette augmentation du travail temporaire. Non seulement il s’agit d’emplois précaires assortis généralement d’un délai de résiliation de quelques jours, mais il est difficile de contrôler le respect des conditions de travail de salariés qui ne résident que peu de temps en Suisse. Pour le syndicat, il est nécessaire de réglementer de façon plus stricte le recrutement par les agences de travail temporaires et d’améliorer l’efficacité des contrôles par de nouvelles mesures ciblées.