Syndicats et partis de gauche genevois ont lancé leur campagne pour le Non à la modification de la Loi sur les heures d’ouverture des magasins qui ne prévoit aucune compensation pour le personnel
Le 28 novembre prochain, les Genevois seront appelés aux urnes pour se prononcer sur la modification de la Loi sur les heures d’ouverture des magasins (LHOM). Cette loi, concoctée par le Conseil d’Etat et votée par le Grand Conseil en avril, prévoit la fermeture des magasins à 19h du lundi au samedi, à l’exception du vendredi à 19h30, ainsi que l’ouverture des commerces trois dimanches par an jusqu’à 17h. Comme elle est attaquée par référendum, ce sera au peuple de trancher. Le large comité unitaire contre la LHOM, composé notamment d’Unia, de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) et de tous les partis de gauche, a lancé officiellement, en présence de deux salariées de la vente, sa campagne le 20 octobre. Un travail de terrain, dans la rue, pour convaincre la population de voter Non à cette nouvelle loi, qui ne prévoit aucune compensation pour les employés du secteur du commerce de détail.
Obligation légale contournée
Ce qui pose problème au comité unitaire contre la LHOM, ce n’est pas l’extension des horaires d’ouverture des magasins en soit, mais le fait que la loi ne prévoit aucune contrepartie pour les travailleurs, qui triment chaque jour et qui ont été au front pendant la pandémie. Au contraire, rappelle Joël Varone de la CGAS, celle-ci s’accompagne toujours d’une dégradation des conditions de travail: «On n’embauche pas plus, il y a juste de plus en plus de salariés à temps partiel: dans les années 1970, ils n’étaient que 11%, contre 46% en 2016, et je pense qu’en 2021, on a passé le cap symbolique des 50%. De même, dans les années 2000, seulement 18% des vendeuses vivaient en France alors qu’elles sont 36% aujourd’hui à chercher une manière d’augmenter leur pouvoir d’achat.»
Jocelyne Haller, d’Ensemble à Gauche, insiste: «C’est un déni de la volonté populaire. L’ouverture de trois dimanches par an est déjà prévue par la loi actuelle, mais est conditionnée à la négociation d’une convention collective de travail. Cette obligation est donc violée.»
Pablo Cruchon, de Résistons!, dénonce le changement de paradigme qui s’opère: «Nous avons attaqué cette loi par référendum, car elle contourne l’obligation de négocier une CCT et, cette fois, c’est le Conseil d’Etat lui-même qui prend l’offensive pour aller dans le sens de la droite patronale.»
Le commerce de détail va bien
Les opposants à cette nouvelle loi déconstruisent tous les arguments avancés par le Conseil d’Etat. Celui qui dit d’abord que cela permettra de faire revivre le commerce de détail. La reprise est déjà là, répond le comité. «L’Office cantonal de la statistique écrit, en septembre 2021, que les ventes et la fréquentation des magasins sont bonnes dans l’alimentaire et le non-alimentaire. Les gens sont retournés dans les magasins, tous les indicateurs sont à la hausse, il est inutile d’élargir les horaires», montre Pierre Eckert, des Verts.
On ne parle même pas de la santé financière du secteur. «Le commerce de détail n’a pas été victime de la crise, poursuit Joël Varone. Migros a fait +425% de bénéfice en 2020 et Migros Genève a augmenté son chiffre d’affaires de 1%, et pourtant, le nombre d’employés a baissé. Il n’y a aucune raison d’exiger des sacrifices supplémentaires de la part des employés qui sont toujours moins pour assumer toujours plus de tâches.» Effectivement, en 2010, Genève recensait 20249 employés dans le commerce de détail, contre 14331 en 2019, dont 60% de femmes. Pourtant, on attend d’eux qu’ils soient toujours plus polyvalents. «Ils doivent être à la caisse, mettre en rayon, cuire le pain, soupire le syndicaliste. La charge de travail s’est intensifiée et, pourtant, elle ne s’est accompagnée d’aucune revalorisation.»
Pas plus d’argent
Ces nouveaux horaires ne sont pas une solution non plus au tourisme d’achat ou aux achats en ligne. «Les Genevois ne vont pas en France car les commerces ferment plus tard, mais parce que c’est moins cher, donc le phénomène persistera», expose Alexander Eniline, président du Parti du Travail genevois. De même, l’argument qui dit que cela permettra d’étaler le flux de clients n’est pas valable, selon le député socialiste Cyril Mizrahi: «Les clients ne vont pas se concerter pour savoir qui va à quelle heure faire ses commissions, et les procrastinateurs continueront toujours à se pointer cinq minutes avant la fermeture. De la même manière, la logique du Conseil d’Etat est mauvaise, car ce n’est pas parce que les magasins sont ouverts plus longtemps que l’on va dépenser plus.»
La création de nouveaux emplois n’est pas crédible non plus, selon le comité unitaire, qui précise que la majorité des étudiants aujourd’hui sont employés dans des zones particulières telles que la gare ou l’aéroport qui ne sont pas soumises aux horaires de la LHOM. «Par contre, à chaque fois qu’on élargit les horaires des magasins, on pénalise les indépendants et les petits commerces, qui peuvent déjà ouvrir plus tard, car ils n’emploient pas de salariés», soulève Cyril Mizrahi. «Ce projet de loi vise à manger des marges aux petits commerces au profit des grands groupes, ajoute Joël Varone. Il y aura donc une mise en péril du commerce de proximité.»