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Rana Plaza, symbole de l’exploitation liée à la fast-fashion

Commémoration à Berne. Les participants brandissent les portraits de victimes.
© Martin Bichsel

Le 24 avril dernier, à Berne, une commémoration a réuni plusieurs organisations, dont Public Eye, Solidar et une délégation d’Unia, en mémoire des 1138 personnes décédées et des plus de 2000 blessés à la suite de la catastrophe du Rana Plaza.

Il y a 10 ans, plus de 1100 personnes mouraient dans l’effondrement de l’usine Rana Plaza au Bangladesh. Malgré des progrès dans la sécurité, les salaires restent misérables

«Nos souvenirs sont noyés sous des milliards de larmes.» Ces quelques mots sont inscrits sur une stèle érigée sur le lieu du drame: le 24 avril 2013, 1138 personnes étaient tuées et plus de 2000 blessées dans l’effondrement du Rana Plaza. Ce jour-là, à Dhaka au Bangladesh, dans le bâtiment de huit étages, des ouvrières (la grande majorité des effectifs) et des ouvriers travaillaient dans cinq usines textiles pour une trentaine d’enseignes de mode internationales. A la suite de cette tragédie historique, sociétés et gouvernements avaient promis de meilleures conditions de travail, ainsi qu’un fonds d’indemnisation pour les victimes. Dix ans plus tard, malgré des avancées, on est loin du compte, selon Public Eye, qui a porté la Campagne Clean Clothes (CCC) en Suisse. De surcroît, les personnes inculpées de meurtre pour avoir forcé les employés à travailler ce jour-là, malgré de récentes fissures apparues sur l’immeuble, n’ont toujours pas été jugées…

Les indemnisations ont été insuffisantes, calculées en fonction des salaires de l’époque, qui se montaient à quelque 30 francs par mois, et les frais des traitements médicaux n’ont pas été complètement pris en charge. Or, nombre de victimes ont toujours besoin d’un suivi médical et psychologique. «J’ai seulement reçu l’équivalent de 423 dollars d’indemnisation. J’ai perdu ma jambe. Je ne trouve donc plus de travail…» témoigne Nilufa, couturière rescapée, dans le magazine Public Eye.

Si le salaire minimum a été augmenté en 2018 à 8000 takas (70 francs environ) par mois, il n’est toujours pas suffisant pour vivre décemment. Et cela d’autant moins avec l’inflation galopante dans le pays. Les syndicats revendiquent 22000 à 25000 takas (environ 200 francs), l’ONG Asian Floor Wage estime que le revenu minimum devrait se monter à 53000 takas (450 francs) pour subvenir aux besoins de base.

Suisse passive

La tragédie du Rana Plaza constitue toutefois un tournant dans l’industrie textile. Public Eye souligne une prise de conscience chez certains consommateurs, de plus en plus nombreux à vouloir se vêtir de manière éthique. Juste après le drame, les pays du G7 ont reconnu que «la nécessité de rendre les chaînes d’approvisionnement durables sur les plans social et écologique» était de la «responsabilité des gouvernements et des entreprises». En matière de sécurité des bâtiments et de transparence, le premier accord juridiquement contraignant visant la protection de la santé et la sécurité des employés a été conclu entre quelque 200 enseignes et des syndicats internationaux (Industriall et Uni Global Union) et locaux. L’Accord du Bangladesh s’applique ainsi à quelque 1600 fabriques qui emploient plus de 2,5 millions de personnes dans le pays. Etendu récemment au Pakistan, il a permis d’importantes améliorations, selon Public Eye, qui s’insurge cependant contre la non-remise en question du «modèle d’affaires de la fast-fashion, basé sur l’exploitation». «Au contraire: l’avènement de la mode ultra-éphémère accroît encore la pression sur les travailleuses et les travailleurs», précise l’ONG dans un communiqué. Unia regrette, de son côté, qu’en Suisse «seuls Coop, Migros, Tally Weijl et Triumph ont signé cet accord». Et ce alors que «le modèle d’affaires du secteur n’a guère évolué: pratiques d'achat abusives, conditions de travail précaires, répression des syndicats, salaires de misère et gaspillage des ressources».

Public Eye dénonce aussi la passivité de la Suisse dont «les pouvoirs politiques refusent de légiférer afin d’encadrer ce secteur problématique aux niveaux social et environnemental»; alors que l’Union européenne, elle, a pris les devants sur le plan législatif avec sa stratégie pour le secteur du textile.

Public Eye, comme d’autres organisations, telle Unia, demande donc des mesures concrètes contraignantes: les marques et les détaillants qui commercialisent des vêtements en Suisse doivent s’engager pour le versement d’un salaire vital dans la production et publier des informations transparentes sur leurs chaînes d’approvisionnement. Et l’ONG d’ajouter: «La Suisse doit aussi ratifier les deux nouvelles normes fondamentales de l’OIT (Organisation internationale du travail) sur la sécurité et la santé au travail, ainsi que sur les prestations en cas d’accidents du travail.»

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