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Uber: quel avenir pour les chauffeurs?

Me Caroline Renold, avocate, revient sur la décision des autorités genevoises, qu’elle juge largement insuffisante en ce qui concerne l’indemnisation; mais qui pose aussi des bases utiles pour l’avenir

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les (anciens) chauffeurs genevois d’Uber sont en train de recevoir les montants de l’indemnité proposée par la multinationale californienne pour le travail fourni jusqu’en juin 2022. Le choix leur appartient: soit ils l’acceptent et renoncent à attaquer Uber en justice, soit ils la refusent et se lancent dans une procédure aux Prud’hommes…

La décision du Département de l’économie et de l’emploi (DEE) du canton, rendue le 18 novembre, était une étape capitale dont le but était de régler le passé afin qu’Uber se mette – enfin – en conformité avec l’arrêt du Tribunal fédéral du 30 mai statuant que les chauffeurs de la plateforme étaient bel et bien des salariés. Pour Uber, cette décision était également cruciale puisqu’elle lui permet de continuer à exercer son activité dans le canton de Genève. Me Caroline Renold, avocate d’Unia dans ce dossier, revient sur cette décision et sur le mode de calcul, dont le détail est parfois passé sous les radars des médias.


Pouvez-vous revenir sur les chiffres de la décision?

Le Département de l’économie et de l’emploi valide la proposition d’Uber qui reprend quasi intégralement ce qui avait été proposé en négociation. Uber prend en charge la part salariée des cotisations salariales depuis 2014 pour un montant estimé de 15,4 millions de francs. De plus, Uber verse aux chauffeurs qui l’acceptent une indemnité de 0,2596 franc par kilomètre de course parcouru entre le 22 octobre 2019 et le 19 juin 2022. Si tous les chauffeurs acceptaient l’indemnisation, il s’agirait de 4,6 millions de francs au total. Ces montants sont largement insuffisants pour couvrir les droits des travailleurs en paiement de leur salaire et de leurs frais. Cette proposition avait par ailleurs été refusée par les chauffeurs lors des négociations, étant précisé que le montant de 4,6 millions devait couvrir une période bien plus large de cinq ans, correspondant à la période de prescription.

Si, sur les chiffres, cette décision est un affront aux travailleurs, sur les principes applicables, il faut souligner des avancées. En effet, les autorités genevoises établissent que le temps de travail inclut non seulement le temps de course et d’approche, mais aussi le temps d’attente. Concrètement, l’accord considère que, pour 30 minutes de course réelle, le chauffeur aura attendu 30 minutes, qui consistent également en du temps de travail à rémunérer. Il s’agit là d’une des revendications syndicales principales qui est admise.

De plus, le DEE reconnaît que 50% des revenus obtenus d’Uber par chaque chauffeur couvrent les frais comme l’essence, l’entretien et l’usure de la voiture. Le DEE reconnaît l’importance des frais assumés par chaque chauffeur, qui sont pourtant à la charge de l’employeur.

Par contre, la décision pêche sur la détermination du salaire horaire, puisque le DEE se borne à admettre l’application du salaire minimum légal genevois à partir de novembre 2020 et ne se prononce pas sur le salaire horaire avant cette date, estimant qu’il n’est «pas abusif». Or, les chauffeurs défendent qu’ils ont le droit à un salaire convenable plus élevé pour les deux périodes.

En quoi cette base de calcul peut être utile pour l’avenir des chauffeurs?

Cette décision comporte des éléments qui sont en faveur des chauffeurs, en particulier pour le futur. On peut partir de l’idée que le DEE appliquera ces bases de calcul pour réglementer les conditions de travail, le temps de travail et la rémunération des chauffeurs employés par MITC. Cela dit, ce n’est pas encore acté dans les faits, et les chauffeurs MITC continuent d’être payés de manière opaque, et non conforme au droit du travail. On peut également parier sur le fait qu’Uber-MITC refusera de transposer les éléments de cette décision pour le futur...

Comment réagissez-vous à la suite des récentes révélations sur Uber dans la presse?

Les Uber files apportent les preuves de ce qu'Unia a toujours dénoncé: Uber est une entreprise qui a sans cesse essayé de contourner la loi, de créer et d’utiliser des failles dans le système pour ne pas respecter ses obligations en matière de droit du travail et de droit public. Et c'est exactement ce que l'entreprise continue d'essayer de faire. Maintenant qu'Uber a été prise la main dans le sac, qu'on l'a forcée à reconnaître qu'elle était bien employeur, elle prétend créer un montage d’entreprises pour échapper à ses obligations, et interpréter le droit du travail de manière à ne pas assumer le risque d'entreprise, le paiement du temps de travail et le paiement des frais nécessaires pour le travail. Les autorités suisses ne doivent pas se laisser manipuler et doivent contraindre Uber au respect du cadre légal auquel est tenu tout employeur.

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