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«Une fin de non-recevoir aux jeunes qui se battent pour sauver la planète»

Nicolas et ses soutiens devant le tribunal.
© Breakfree

Nicolas, au premier plan, avant son entrée dans la salle d’audience. Il est le premier activiste du climat jugé pour avoir apposé une main rouge sur une façade de Credit Suisse.

Le Tribunal de police de Genève a reconnu Nicolas coupable dans l’affaire des «mains rouges» apposées sur Credit Suisse. Un verdict qui ne l’empêchera pas de continuer à militer

La décision a été rendue le 20 février. La juge Françoise Saillen Agad a déclaré le militant pro-climat Nicolas coupable de dommages à la propriété, selon l’article 14 du Code pénal, sur le bâtiment de Credit Suisse et l’a condamné à une peine de 10 jours-amende à 30 francs avec sursis. Il devra en outre payer les frais de procédure, pour un montant d’environ 1600 francs, et régler la facture de la banque, à savoir 2252,03 francs, correspondant aux frais de nettoyage et de changement de plaques après l’action du Collectif Breakfree du 13 octobre 2018 à Genève. Pour rappel, celle-ci a eu lieu à l’occasion de la première grande marche pour le climat: en marge de la manifestation, une quinzaine de militants avaient apposé leurs mains couvertes de peinture rouge accompagnées de la première page du rapport du GIEC sur la façade de la banque, sise passage de la Monnaie, pour symboliser les victimes du réchauffement climatique et mettre Credit Suisse face à ses responsabilités dans le cadre de ses investissements massifs dans les énergies fossiles.

Etat de nécessité

Une première journée d’audience a eu lieu le 18 février lors de laquelle le prévenu et les témoins ont été entendus, après un refus de la présidente de siéger dans une salle plus grande afin d’y accueillir le public venu nombreux et d’entendre les experts et les témoins de la défense. Le militant a reconnu que cette action de désobéissance civile, réfléchie et préparée, avait pour but d’entacher la réputation de Credit Suisse, mais que le Collectif avait pris soin d’employer de la peinture lavable afin que les dégâts soient mineurs. Il s’est dit «étonné» de la facture finale.

Dans sa longue et brillante plaidoirie, l’avocate du jeune militant de 23 ans, Me Laïla Batou, a plaidé l’état de nécessité face à l’urgence climatique imminente qui menace toute l’humanité. Elle a aussi démontré que tous les moyens licites pour agir, comme les courriers, les pétitions, la distribution de tracts ou encore les manifestations, ont toujours été ignorés par Credit Suisse jusque-là, ne laissant d’autre choix aux militants que de passer à la vitesse supérieure pour être entendus. Elle a rappelé que la place financière suisse était le 7e pollueur mondial et que Credit Suisse émet à lui seul plus de CO2 que toute la Suisse. Entre 2016 et 2018, ce dernier a injecté plus de 57 milliards de dollars dans les énergies fossiles. L’avocate en a ensuite appelé au courage et à l’indépendance de la juge pour acquitter son client.

Jugé coupable

Cela n’aura pas suffi. Si Françoise Saillen Agad n’a pas remis en cause le combat contre le réchauffement climatique, elle estime que la marche de ce 13 octobre, largement couverte par les médias, était suffisante pour faire passer le message et que les déprédations étaient évitables. Elle n’a donc pas retenu l’état de nécessité. A l’issue de l’audience, Me Laïla Batou se dit déçue: «Je plaçais passablement d’espoir dans la justice comme troisième pouvoir assurant la sauvegarde des intérêts qui comptent le plus, à savoir ceux des individus. Les personnes détentrices du pouvoir se défaussent de leurs responsabilités face à cette jeunesse qui fait tout son possible pour sauver ce qu’il reste à sauver. A trop s’accrocher à la lettre du droit, on en sacrifie l’esprit.» Pour elle, si Nicolas avait été acquitté, comme cela a été le cas au premier procès de Renens, l’Etat aurait été contraint de légiférer en faveur du désinvestissement des banques dans les énergies fossiles. C’est une répression qui pourrait s’avérer beaucoup plus dangereuse en termes de conséquences que l’acquittement. «Je tombe des nues quand on continue à dire qu’une simple lettre adressée à Credit Suisse est suffisante. Cette fin de non-recevoir aux jeunes qui se battent pour la planète laisse présager la multiplication de ce genre d’actions et des débordements beaucoup plus graves.»

De son côté, Nicolas se dit abasourdi par la situation: «Le peu de confiance que j’avais en la justice pour nous sauver s’ébranle.» Mais cette peine n’est pas près de l’arrêter. «Si je ne continue pas à militer, je peux signer mon arrêt de mort maintenant.» Son avocate a fait appel de cette décision.

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