La réalisatrice Orane Burri présente son documentaire «Le prix du gaz, une résistance citoyenne» lors du Festival du film vert. Une mobilisation exemplaire contre un projet de forage gazier dans le Val-de-Travers
C’est une véritable saga locale à valeur universelle que nous propose Orane Burri au travers de son documentaire Le prix du gaz, une résistance citoyenne. Tout commence en été 2013. La réalisatrice engagée prend alors connaissance d’un projet gazier prévu là où se trouvent les nappes phréatiques du Val-de-Travers alimentant quelque 120000 personnes. Elle s’inquiète, tout en se posant des questions sur nos besoins énergétiques, sur les alternatives au nucléaire. C’est alors qu’elle apprend que les Verts organisent une table ronde durant laquelle des documents confidentiels envoyés par un lanceur d’alerte seront révélés: la société britannique Celtique Energie chercheraient non seulement du gaz conventionnel, mais aussi du gaz de schiste. Les risques de pollution sont intolérables pour la population et l’environnement. Orane Burri suit alors, caméra à l’épaule, les promoteurs, les politiciens et les opposants regroupés en collectif: «Non aux forages d’hydrocarbures à Noiraigue». Ces derniers, néophytes en matière d’énergie comme en organisation collective, s’impliquent avec une énergie incroyable, avec notamment le soutien des Verts et de Greenpeace. Et ne lâchent rien, récoltant plus de 10000 signatures grâce à un travail de sensibilisation intense. En 2014, l’issue politique leur donne raison. Face au cynisme des promoteurs, à l’influence des lobbies, aux enquêtes pseudo-indépendantes, ce mouvement citoyen fait aujourd’hui écho à d’autres luttes écologistes urgentes.
Trois questions à la réalisatrice engagée qui, dans son travail d’autrice et de réalisatrice, donne la parole à «ceux qui résistent contre l’absurdité d’un monde qu’on aimerait nous faire croire comme immuable».
Qu’est-ce qui vous a frappée pendant votre tournage?
La ténacité des opposants. Et le fait que le diable se cache dans les détails... Je suis de nature optimiste, et j’aurais baissé les bras bien avant eux en me disant que, puisque Celtique Energie disait chercher seulement du gaz conventionnel, il n’y avait qu’à leur faire confiance. Je m’en serais mordu les doigts bien sûr, car Celtique modulait son discours selon les contextes. Les questions que se posaient les politiques étaient: quelles seront les retombées financières? Quels sont les risques? Personne ne se demandait: «Qui est la société porteuse du projet?» C’est grâce aux Verts et aux opposants que cette question a été mise sur le tapis et qu’elle a peut-être tout changé…
Dans votre film, la mauvaise foi de la société et des experts qu’elle mandate saute aux yeux…
Au début, Celtique Energie a joué le jeu de la transparence en communiquant beaucoup. C’est un fait plutôt rare dans les films sur les questions environnementales d’avoir une holding privée aussi visible. Mais, le cinéma, par son temps long, permet d’aller au-delà des discours officiels. La communication non verbale prend ici toute sa force. Il y a tant de regards fuyants, qui en disent plus long que des mots. Et quand deux personnes d’une même boîte tiennent deux discours différents sur les méthodes de forage, c’est très révélateur.
Quel est le message central de votre documentaire?
J’avais envie de présenter, à travers cet exemple, comment naît une mobilisation, comment les gens résistent et quels sont les outils à disposition dans notre démocratie directe pour se défendre. Une sorte de mode d’emploi qui montre que, lorsque les citoyennes et les citoyens se réapproprient la chose politique, ils peuvent réellement faire la différence. Le film sort six ans après les faits, mais au moment où cette lutte résonne complètement avec les problématiques universelles actuelles.