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Pour ne plus jamais oublier

A la suite de la condamnation des deux commandants de la prison de Coronda le 11 mai 2018, les militants célèbrent cette victoire juridique.
© José Cettour/El Periscopio

A la suite de la condamnation des deux commandants de la prison de Coronda le 11 mai 2018, les militants célèbrent cette victoire juridique.

Un collectif d’anciens prisonniers politiques de la dictature argentine témoignent dans un livre poignant: «Ni fous, ni morts»

Le recueil de témoignages Ni fous, ni morts sort le 24 mars, date du coup d’Etat en Argentine (1976). Ce livre permet de plonger dans 70 récits de vie. Les textes ne sont pas signés, cela pour les donner à lire comme une œuvre collective en écho à la solidarité exceptionnelle vécue durant l’emprisonnement. Autant d’hommes qui reviennent ainsi sur ces années de terreur dans la prison de haute sécurité de Coronda (1153 opposants politiques y ont été détenus plus ou moins longtemps entre 1974 et 1979). Ils se souviennent aussi de la fraternité, de l’humour et du rire dont ils usaient comme des armes face à l’ignominie.

Ce livre – Ni fous, ni morts. Prisonniers politiques sous la dictature argentine, Coronda, 1974-1979 – est la traduction augmentée de la première édition espagnole Del otro lado de la mirilla publiée en 2003 par l’association El Periscopio. On peut y lire: «Nous voulions évoquer en lettres noires nos larmes incolores, le soleil de nos rires, le rouge de notre lutte quotidienne pour survivre. Nos récits viennent du plus profond de nous-mêmes. Ils sont notre contribution au combat, plus que jamais impératif, pour la sauvegarde de la mémoire, en faveur de la justice et du châtiment des crimes.»

Un projet collectif rare dont la traduction française a été motivée par le caractère universel de cette histoire argentine. Car si les mots «torture» et «mort» sont omniprésents, la solidarité et la résilience aussi. «Quand nous étions détenus, nous avons mis de côté nos petites divergences politiques. Aujourd’hui, nous avons aussi besoin d’une unité de la résistance sociale pour contrer les mouvements xénophobes, homophobes, les politiques néofascistes au Brésil, les violations des droits humains en Colombie ou la criminalisation des personnes solidaires avec les migrants en Europe… La question de la mémoire est, selon nous, le meilleur antidote contre la répétition de la brutalité», explique Sergio Ferrari, ex-détenu, ayant trouvé refuge en Suisse en 1979.

Toujours militants

«Si vous sortez d’ici, ce sera fous ou morts.» C’est par cette sentence que le directeur de la prison de Coronda résumait les objectifs de destructions psychologique et physique du régime. «Mais la grande majorité d’entre nous en est sortie ni fous ni morts… d’où le titre du livre. Nous sommes entrés en prison comme opposants politiques, et à notre sortie, nous n’avons pas cessé de militer politiquement, socialement, syndicalement, jusqu’à aujourd’hui. Ils n’ont pas réussi à briser notre engagement, alors que c’était le but, explique Sergio Ferrari. Ce travail sur la mémoire et les procès qui ont eu lieu en Argentine pourraient être des modèles pour d’autres pays, comme le Chili, l’Uruguay, le Brésil ou l’Espagne franquiste. C’est un précédent aussi pour juger d’autres responsables des prisons politiques en Argentine durant la dictature.» Le collectif d’anciens détenus de Coronda, El Periscopio, n’a pas seulement écrit un livre, mais a aussi porté plainte. Partie civile aux procès des deux commandants de la prison encore en vie, ils ont remporté une victoire au mois de mai 2018. Tous deux ont été jugés et condamnés respectivement à 22 et à 17 ans de prison. «Cela représente une réparation morale incroyable. C’est un grand cadeau de l’Histoire», souligne Sergio Ferrari. Ni fous, ni morts inclut un chapitre sur le procès qui s’est déroulé du 14 décembre 2017 au 11 mai 2018.

Pour mémoire, la dictature s’est soldée par des centaines de morts, plus de 30000 disparus et 10000 prisonniers politiques. «Nos récits ne témoignent que d’une part infime de la souffrance de milliers de femmes et d’hommes dans les prisons et les centres de détention clandestins et de leur résistance durant ces années tragiques, où la dictature a tenté de briser leur combativité et leur organisation», écrivent les auteurs qui rendent aussi hommage aux prisonnières politiques qui ont publié le livre collectif Nosotras, ainsi qu’à l’engagement extraordinaire des mères et des grands-mères de la place de Mai.


En raison du Covid-19, le vernissage du livre et les tables rondes prévues ont été annulés.
Pour des informations supplémentaires: nifousnimorts.com

Couverture du livre.

Collectif El Periscopio, Ni fous, ni morts. Prisonniers politiques sous la dictature argentine, Coronda, 1974-1979, Editions de l’Aire, 2020.

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