Féministes et écologistes, même combat
Ces condamnations contre des militantes féministes pacifistes font écho à celles des écologistes dont les procès s’égrainent depuis plusieurs mois dans le canton de Vaud. Le 22 décembre, lors du premier procès de sept militants (sur une vingtaine) concernant une action contre les investissements fossiles d’UBS à Lausanne le 14 janvier 2020, le juge a allégé les peines, confirmant un vice de forme lors du dépôt de la plainte pour violation de domicile et dommage à la propriété (qui avait généré quelques frais de nettoyage) de la banque. Steven Tamburini de la Grève du climat explique: «On peut parler de victoire, parce qu’on évite une inscription au casier judiciaire et que ce procès montre le cynisme et l’incompétence d’UBS qui ne sait pas déposer plainte. Mais pour l’urgence climatique, cela ne change rien. De surcroît, le procureur peut encore faire appel.»
De nombreux militants dénoncent une intensification de la répression des mouvements sociaux par la police, et l’Etat. «Dans le cas UBS, la banque n’a pas fait appel. Et dans le cas de la Zad, Holcim a retiré sa plainte, mais le procureur, lui, maintient son accusation», explique Clémence Demay. «On assiste clairement à une criminalisation des activistes écologistes et féministes. Les grands procès ont permis, dans une certaine mesure, de médiatiser la cause climatique. Mais aujourd’hui, l’intimidation est telle qu’il y a démobilisation», déplore Steven Tamburini. Si la désobéissance civile repose aussi sur la médiatisation des procès, leur morcellement use les forces des mouvements. Tout comme la pandémie qui a freiné la mobilisation de nouveaux militants.
Sonja Hediger, de Doctors for XR (la branche médicale d’Extinction Rebellion), souligne: «Nous sommes beaucoup à devoir faire face à plusieurs procès en même temps à la suite d’actions de désobéissance civile pacifistes, à Lausanne, mais aussi à Berne ou à Zurich. Dans chaque canton, les méthodes changent. Nous sommes jugés séparément, mais les juges vaudois font des “copier-coller”. Et il ne va pas de soi de faire appel. Cela coûte beaucoup d’énergie et de l’argent.»
Pour Clémence Demay, le juge a une marge de manœuvre, et ce malgré la jurisprudence rendue par le Tribunal administratif fédéral concernant l’action des «joueurs de tennis» à Credit Suisse. «L’état de nécessité est difficile à invoquer après cette décision, mais les enjeux de liberté d’expression et de manifestation sont des arguments importants. Rien n’empêche qu’une jurisprudence soit affinée. Et ce jugement du Tribunal fédéral est contesté à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Des possibilités existent pour faire évoluer le droit, mais cela nécessite un travail argumentatif qui n’est pas dans la culture des tribunaux suisses. Reste que ces procès font beaucoup parler et sensibilisent au sein même du système judiciaire.»
Zad en procès
Au moment du bouclage de ce journal lundi, le procès de cinq zadistes du Mormont débutait au Tribunal de La Côte, avec, en marge des conférences, des ateliers, des pièces de théâtre et des manifestations. Les condamnations à l’encontre des militants qui ont fait appel sont lourdes: plusieurs mois de prison ferme. «Preuve de l’acharnement de la justice contre les personnes qui dénoncent l’injustice des multinationales qui sapent notre patrimoine et détruisent la Terre», estime le collectif de soutien Zad de la Colline. «La justice vaudoise par l’intermédiaire du procureur Eric Cottier, continue de poursuivre avec acharnement les activistes, démontrant la volonté de l’Etat de détruire toute voix alternative.» A Zurich, en effet, la condamnation d’un zadiste a été classée sans suite. Trois rapporteurs de l’ONU ont aussi fait part de leur préoccupation et rappelé que la désobéissance civile est protégée par le droit international. Un collectif d’avocats appelle pour sa part à l’amnistie.