Dimanche 8 mars, les collectifs féministes appellent à la mobilisation pour le respect du corps, du temps et du travail des femmes
En Suisse, comme partout dans le monde et depuis plus d’un siècle, la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars* sera l’occasion de rappeler une fois de plus les discriminations subies par la moitié des êtres humains. La coordination nationale et les collectifs féministes cantonaux ont rédigé un Appel pour un monde sans inégalités. Comme l’indique le texte, «de la Grèce à l’Etat espagnol, du Chili au Rojava, de l’Argentine à la France, de la République démocratique du Congo à l’Iran, en passant par Hong Kong, les femmes et les personnes trans et non binaires se lèvent pour combattre les discriminations, le sexisme et les violences. Nous revendiquons et agissons pour construire une société solidaire et durable qui respecte nos vies et la planète.» Coprésidente de la commission féminine de l’USS et secrétaire centrale d’Unia jusqu’à fin avril (syndicat qu’elle quittera, après onze années, pour de nouveaux défis professionnels), Corinne Schärer fait le point.
Il y a un appel à des actions mais aussi à la grève le 8 mars prochain. Y aura-t-il un mouvement de cessation de travail dans la vente, dans les hôpitaux, dans la restauration ou encore la culture, là où le travail du dimanche est courant?
Non, concrètement, il n’y a pas l’idée d’un débrayage général. Ce 8 mars permettra surtout de rappeler les revendications de la grève historique du 14 juin 2019. Comme c’est un dimanche, c’est l’occasion parfaite de souligner le travail énorme de care supporté par les femmes jour après jour, année après année. L’idée est aussi de soutenir les femmes qui doivent gagner de l’argent même le dimanche, dans les magasins dans les gares par exemple, ainsi que de pointer du doigt les bas salaires et les conditions de travail précaires. Chaque collectif est libre, comme toujours, de choisir son mode de mobilisation. Beaucoup de propositions ont émergé de notre rencontre nationale qui a réuni une centaine de femmes en décembre. D’une fondue moitié-moitié à la chorégraphie d’Un violador en tu camino, les actions seront très variées. L’heure à laquelle les femmes ne sont plus payées du fait des inégalités salariales, à 15h24, sera un moment fort partout.
Comment s’inscrit le syndicat Unia dans l’organisation de ce 8 mars?
Unia sera présent le 8 mars auprès des femmes qui doivent travailler, notamment dans les magasins et dans les soins. Quelques jours avant, nous allons lancer la récolte de signatures pour une 13e rente AVS. Car c’est une garantie pour les femmes, dont les pensions sont plus faibles du fait des inégalités, d’avoir de meilleures conditions de vie lors de leur retraite.
Qu’a apporté la grève féministe du 14 juin 2019? Alors que le congé paternité n’est pas à la hauteur des besoins, et que le Conseil fédéral continue de vouloir augmenter d’un an l’âge de la retraite des femmes. Sans parler du fait, qu’en Suisse, un féminicide est commis toutes les deux semaines?
Sans la grève du 14 juin, le congé paternité de deux semaines n’aurait même pas été accepté par le Parlement quelques jours après seulement. Et les Chambres ne se seraient pas autant féminisées lors des dernières élections fédérales. Passer de 32% à 42% de femmes au Conseil national est énorme et merveilleux. L’inscription d’un quasi-quota dans la loi pour atteindre une meilleure représentation des femmes dans les conseils administratifs n’aurait pas passé non plus. Notons encore un autre grand changement: une nouvelle et bonne convention visant à lutter contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail a été adoptée par la Conférence internationale du travail le 19 juin 2019. C’est un succès au niveau international.
Beaucoup de revendications n’ont pourtant pas été encore entendues…
Bien sûr. Nous revendiquons toujours une hausse des salaires des femmes, un congé parental de 38 semaines, des mesures efficaces contre la violence, une baisse du temps de travail sans réduction de salaire – du moins pour les revenus bas et moyens. Pour les rémunérations élevées, cela se discute. Il faut surtout augmenter les salaires des branches féminines, telles que la vente, les soins, le nettoyage, la coiffure, l’horlogerie, l’industrie alimentaire… Et réaliser l’égalité salariale. En ce qui concerne la violence, il faut prendre très rapidement des mesures efficaces!
L’Appel féministe est clairement anticapitaliste, antipatriarcal, écologiste et pour les droits des migrantes notamment en soutenant le principe «un même travail, un même salaire, un même permis». Cela signifie un changement global du système…
Oui, nous voulons une société qui se fonde sur la solidarité et l’égalité.
Comment se positionnent les syndicats pour qui la valeur du travail et l’idée de croissance sont encore bien ancrées?
Ce n’est pas si simple: c’est une discussion en cours qui est relancée par la crise du climat et les actions des jeunes. Unia a décidé de se battre pour un grand changement, pour une économie qui ne détruise pas la nature et la planète. Nous luttons pour un monde où toutes et tous peuvent vivre décemment, dans la paix et avec une économie durable. Pour réussir, il faut accélérer le changement avec une transition juste et écologiste des postes de travail.
*Le 8 mars 1910, lors de la 2e Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, la féministe Clara Zetkin propose la création de la Journée internationale des femmes pour revendiquer le droit de vote, l’égalité entre les sexes et le socialisme.