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Des horaires fort de café!

bisons devant l'usine Nespresso à Avenches
© Thierry Porchet

Horaires sauvages… Nespresso veut allonger la semaine de travail de ses employés (site d’Avenches).

Les employés de production de Nespresso refusent le réaménagement drastique des horaires. Unia a été appelé à la rescousse et craint un licenciement collectif déguisé

Inquiétudes et mécontentement du personnel de production de Nespresso employé sur les sites d’Avenches, d’Orbe et de Romont. Le 23 avril dernier, la filiale de Nestlé, spécialisée dans la fabrication de capsules de café, a annoncé sa volonté de réaménager les horaires de travail des employés. Cette restructuration se traduirait par un accroissement considérable de leur labeur de 41h à 43 heures hebdomadaires en moyenne, et le passage de cinq à quatre équipes œuvrant en tournus, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ce changement impliquerait une augmentation du temps de travail de 4,65%. Cumulé, ce taux représentera 13 jours de moins de congé par année. Et, pour les salariés des sites d’Orbe et d’Avenches, la nécessité de travailler un week-end sur deux. Une situation qui les a conduits à solliciter l’aide d’Unia. Le syndicat a alors organisé des actions de tractages devant les usines et plusieurs assemblées de travailleurs. «Cette restructuration constitue une détérioration brutale des conditions de travail», commentent Noé Pelet, responsable du secteur industrie d’Unia Vaud, et Nicole Vassalli, secrétaire syndicale, en charge du dossier pour les usines vaudoises. Et de préciser encore les répercussions d’une telle modification sur l’organisation, avec des semaines qui compteraient alors jusqu’à 58 heures, des samedis et des dimanches de 12 heures d’activité, des enchaînements qui mettraient à mal les temps de récupération.

Ouvriers cassés

«Avec ce genre de cadences, l’ouvrier est cassé. La vie de famille, brisée. Les risques pour la santé et la sécurité vont croître», dénoncent les deux représentants d’Unia, critiquant aussi l’absence de hausses de salaires. «Les rémunérations seront adaptées à l’élargissement de la durée du travail mais ne seront pas plus élevées.» Les compensations initialement envisagées par la direction ne convainquent ni le syndicat ni les travailleurs. «Il était prévu qu’ils reçoivent une prime unique de 1000 francs et deux jours de congé supplémentaires après six mois... s’ils tenaient le coup. Rien de plus. Mais des discussions sont encore en cours entre les responsables et les représentants du personnel.» Pour Unia, le nouveau modèle envisagé par Nespresso n’a pas pour but d’accroître la productivité mais s’apparente clairement à un licenciement collectif déguisé. Et les représentants d’Unia de rappeler qu’un changement d’horaires de travail en 2009-2010 à Avenches avait entraîné, selon les témoignages de travailleurs toujours actifs dans l’entreprise, la démission d’environ 20% du personnel. «Les employés ne s’attendaient pas à cette volonté de modifier les horaires. Ils pensent qu’on veut les pousser dehors et estiment que la situation entraînera des départs volontaires et davantage d’absentéisme. Ils insitent aussi sur les dangers que représentent cette restructuration pour la sécurité et la santé.» Pour le syndicat – qui a été mandaté par quelque 260 salariés des usines vaudoises pour les représenter, soit plus de la moitié des effectifs – il s’agit assurément d’une stratégie visant à diminuer le personnel en évitant la conclusion d’un plan social et sans occasionner un dégât d’image pour la société. Dans tous les cas, le modèle envisagé devra être validé par le Seco, démarche qui n’aurait pas encore été faite par Nespresso. S’il est accepté, il devra aussi s’assortir de lettres de congé-modification.

Libertés syndicales entravées

Dans ce contexte, le syndicat a sollicité à plusieurs reprises un rendez-vous avec la direction et réclamé l’ouverture de négociations. Sans succès à ce jour, cette dernière ayant argué sa volonté de travailler en priorité avec les représentants du personnel. Unia dénonce aussi dans la foulée des «dysfonctionnements relativement graves» en matière de libertés syndicales, rappelant que l’article 28 de la Constitution pourtant les garantit. Des employés auraient ainsi subi des pressions du personnel d’encadrement et des représentants du personnel. A Romont, les syndicalistes tractant devant l’usine ont en outre été éconduits par des agents de sécurité. A noter que la situation sur le site fribourgeois diffère de celle des autres sites. Avec une faible participation à l’assemblée organisée le 8 mai dernier par le syndicat contrairement aux réunions d’Avenches et d’Orbe qui ont réuni des centaines de personnes. «La configuration n’est pas identique. La restructuration entraînerait sur le site de Romont une diminution des week-ends travaillés, passant de 31 à 26. Les employés auraient aussi, semble-t-il, encore la possibilité de discuter et de faire valoir leurs préférences horaires», relève Matteo Guagenti, secrétaire syndical d’Unia Fribourg. Non sans mentionner les résultats d’un sondage effectué à l’interne. Sur les cinq équipes concernées par les tournus, quatre auraient refusé le réaménagement envisagé à 54%, 34% se seraient montrés favorables, le reste représentant les indécis. Une équipe n’a toutefois pas répondu à la question. Les usines d’Avenches, d’Orbe et de Romont emploient respectivement quelque 300, 200 et 130 employés.

A l’heure où nous mettions ce journal sous presse, lundi, une manifestation des ouvriers était prévue le lendemain devant le siège de Nespresso à Lausanne. Ce jour-là, 15 mai – date marquant normalement la fin de la procédure de consultation – les représentants du personnel devaient par ailleurs rencontrer la direction. Affaire à suivre.

 

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