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«Il nous rabaissait constamment»

Bâtiment de la société Dentsply
© Neil Labrador

C’est à la cantine Eldora, située sur le site de la société Dentsply à Ballaigues, que les faits rapportés par les salariés se sont déroulés.

Quatre des cinq employés d’un restaurant collectif du Nord vaudois, géré par le groupe Eldora, ont été mis à la porte. Face à un mur, Unia a décidé de s’en remettre à la justice

A Ballaigues (VD), l’équipe du restaurant du personnel de l’entreprise Dentsply Sirona était en place depuis des années. Jusqu’ici, d’après les collaborateurs, employés par le groupe Eldora, l’ambiance était au beau fixe. Certes, il pouvait y avoir des petits moments de tension à l’heure des coups de feu, mais rien de comparable à ce qui les attend à partir de juillet 2017, lorsque leur nouveau responsable de restaurant prend ses fonctions. Un homme décrit comme «impulsif, manipulateur et grossier», «malpoli avec ses collègues et les clients» et de «mauvaise foi». Après avoir poussé à bout l’ensemble de l’équipe, quatre employés sur cinq sont licenciés en début d’année. Soutenus par Unia, les employés évoquent les faux prétextes (lire les témoignages ci-dessous). De son côté, le groupe Eldora fait la sourde oreille. «Cela fait plus d’un mois que nous essayons d’entrer en contact avec eux, rapporte Sandrine Maeder, secrétaire syndicale à Unia. Nos derniers courriers sont restés lettre morte et l’employeur n’a jamais répondu sur les agissements du chef en question, qui lui est toujours en place. Il ne nous laisse pas d’autre choix que d’aller au tribunal.» Effectivement, Unia se tient prêt à lancer des procédures individuelles au Tribunal des prud’hommes pour licenciement abusif, sans oublier le mobbing subi pendant plusieurs mois de façon répétée. «La situation est assez incompréhensible, relève la syndicaliste. Nous sommes face à une grosse entreprise de plus de 1900 employés, Eldora, dotée d’un service de santé, qui n’a pourtant pas su gérer ce problème interne. Et aujourd’hui, c’est à la collectivité publique, à travers l’assurance maladie, de payer les pots cassés.» Officiellement, les travailleurs concernés, aujourd’hui en arrêt maladie, sont dans l’obligation d’effectuer les deux mois de leur délai de congé. «Ils sont encore beaucoup trop fragiles pour retourner travailler», assure Sandrine Maeder.

 

Témoignages

Sylvie*

«J’ai travaillé en tant que cuisinière pour Eldora pendant 25 ans, dont 10 dans ce restaurant d’entreprise à Ballaigues. Tout se passait bien, jusqu’à l’arrivée de notre nouveau responsable de restaurant l’été dernier. Tout de suite, nous avons eu le sentiment qu’il voulait se débarrasser de nous. Il nous critiquait et nous rabaissait constamment, nous traitait d’incapables, de profiteurs, de menteurs. Il mettait la pression à toute l’équipe. Je me suis plainte aux RH, rien ne s’est passé. J’ai ensuite écrit à la direction: ils n’ont jamais répondu à mes lettres et n’ont jamais pris la peine de me recevoir. J’ai été arrêtée par mon médecin en janvier, et j’ai repris fin février. Trois semaines plus tard, j’étais convoquée et licenciée. Ils m’ont dit qu’ils étaient contents de moi mais qu’ils restructuraient et qu’il n’y avait pas de poste pour moi. Entre-temps, mon poste et celui de mes collègues ont été repourvus. J’étais la dernière sur la liste, du coup je m’y attendais un peu, même si j’espérais passer entre les gouttes. Au début je me suis sentie soulagée, mais aujourd’hui je suis déçue de la façon dont cela s’est terminé et du comportement d’Eldora. A peine avais-je entamé mes deux derniers mois de travail que mon chef recommençait à me mobber, à me dire qu’il ne voulait plus me voir. Travailler dans ces conditions n’était plus possible, ils sont allés trop loin dans les mots, notamment en disant que mes capacités étaient “limitéesˮ après 25 ans de bons et loyaux services. Du coup je me suis de nouveau retrouvée en arrêt maladie. Aujourd’hui, je suis perdue, je n’ai plus confiance en moi et je me pose beaucoup de questions sur mon avenir.»

Thierry*

«J’étais second de cuisine depuis sept ans sur le site. Quelques jours à peine après l’arrivée de notre nouveau responsable, il s’est approché à quelques centimètres de mon visage et m’a hurlé dessus en me menaçant. Et depuis ce jour, les choses n’ont cessé de se dégrader. Dès le matin, c’était des insultes, des reproches, des cris et des mensonges. Cela a duré plus de six mois, durant lesquels j’ai noté tout ce qui se passait dans un carnet. A chaque fois que nous avons essayé de faire remonter ces informations et de trouver des solutions, il n’y a jamais eu de réactions. Rien n’a jamais bougé. Début 2018, j’ai reçu un avertissement: on me reprochait d’être trop familier avec la clientèle, et on me donnait 30 jours pour rectifier le tir. Déjà, je n’ai jamais été familier avec les clients, simplement polis. Ensuite, on ne m’a pas laissé le temps de m’améliorer puisque j’ai été licencié avant la fin des 30 jours. Je suis tombé des nues, je ne m’attendais pas à cela. Ils m’ont déplacé dans un autre établissement pour travailler durant le délai de licenciement, mais arrivé là-bas, toute la pression encaissée depuis des mois est ressortie et j’ai fait un burn-out. Ça a lâché. Aujourd’hui, je me sens incapable de retravailler, je suis encore sous le choc.»

*Prénoms d’emprunt

 

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