Unia a lancé la campagne de l’automne salarial mercredi dernier à Berne. Sa présidente, Vania Alleva, dénonce les pertes de salaires réels, mais également l’écart qui se creuse entre les petits revenus et les hautes rémunérations des managers
La roue de l’infortune a tourné dans la vieille ville de Berne, devant la fontaine de la Justice. C’est avec ce symbole qu’Unia a démarré, mercredi dernier, sa campagne pour des augmentations de salaires. Une campagne basée sur le quotidien des travailleuses et des travailleurs qui peinent à finir le mois, et soutenue par la traditionnelle étude publiée ce jour-là par le syndicat sur les écarts salariaux dans les plus grandes entreprises du pays (voir ci-dessous), en tête desquelles se trouvent Roche, UBS, ABB, Nestlé, Logitech et Novartis.
Présidente d’Unia, Vania Alleva a dénoncé les grandes sociétés épinglées par l’étude, qui «s’illustrent par leur injustice salariale de manière particulièrement éhontée», et les rémunérations indécentes versées aux dirigeants comme les milliards de dividendes alloués aux actionnaires. Derrière cette face de la médaille, il y a l’autre côté, «celles et ceux qui doivent payer pour ces excès, les simples employées et employés». Elle a souligné que la recherche montre que, dans les 4/5es des entreprises étudiées, les revenus les plus petits se situent en-dessous de 4102 francs, soit le seuil des bas salaires pris en compte dans les enquêtes officielles. Or, ce seuil est inférieur à celui de 2017. «Les baisses salariales ont été particulièrement importantes ces deux dernières années. Seules les grandes entreprises horlogères ont compensé le renchérissement, grâce aux dispositions de la Convention collective de travail (CCT) qui les y obligent. Les autres ont pénalisé les travailleuses et les travailleurs se trouvant en bas de l’échelle avec des réductions salariales brutales.» Vania Alleva qualifie la hausse de l’écart salarial dans les grands groupes de «révoltante». «Pourquoi n’utilisent-ils pas une petite partie de leurs milliards de bénéfices pour verser des rémunérations au moins à peu près décentes, au-dessus du seuil des bas salaires?»
Baisse des salaires réels
Cette situation ne se limite pas au personnel des grandes entreprises. Car la crise s’aggrave en Suisse. «Les salaires réels ont baissé en moyenne de près de 3% en 2021 et en 2022. Cette tendance à la baisse se poursuivra cette année et début 2024, notamment en raison de l’envolée des coûts des primes d’assurance maladie, de l’électricité et, désormais, des loyers. Une nouvelle perte menace, pour la troisième année consécutive», a averti la présidente. Les personnes œuvrant dans les branches à bas salaires sont les plus touchées. Ces rémunérations «ont en effet massivement baissé au cours des sept dernières années, alors que celles au haut de l’échelle, soit des 10% gagnant le plus, ont augmenté». Parmi les personnes les plus affectées se trouvent aussi les femmes, dont une sur quatre gagne moins de 4500 francs par mois à plein temps.
«Jusqu’en 2014, grâce aux CCT et à l’initiative pour un salaire minimum, nous avons réussi à faire en sorte de préserver les bas revenus. Ce n’est plus le cas», a constaté Vania Alleva, qui estime qu’il est temps de repartir à l’offensive: deuxième grande grève des femmes, succès des salaires minimums cantonaux et communaux à Zurich et à Winterthour, la société «reconnaît l’importance de ces minimums qui garantissent les besoins de base». Elle appelle les employeurs à cesser d’asséner des mauvaises excuses et à compenser le renchérissement, ce qui n’a pas été fait depuis 2021. Avec la hausse des prix cette année et celle de la productivité du travail, la présidente estime les augmentations nécessaires à 5%. «Les salaires doivent augmenter, et massivement!» a-t-elle déclaré, appelant à la manifestation nationale pour le pouvoir d’achat du 16 septembre à Berne. Cette mobilisation doit être «un signal pour des augmentations générales des salaires, de bonnes CCT et des salaires minimums décents».
Sylviane Herranz
Revenus astronomiques…
Pour l’économiste d’Unia, Magnus Meister, la redistribution massive du bas vers le haut doit cesser. Pour cela, il faut une pression collective, sur les lieux de travail et dans l’opinion publique
Commentant l’étude d’Unia sur les écarts salariaux en 2022, Magnus Meister, économiste du syndicat, a expliqué que, malgré les critiques contre les salaires excessifs et le succès de l’initiative «contre les rémunérations abusives» – adoptée par 68% des votants en 2013 – «les cadres supérieurs des plus grandes entreprises suisses continuent de percevoir des revenus astronomiques». Pendant ce temps, la grande majorité des salariés connaissent «une baisse drastique de leurs salaires réels».
En moyenne, l’écart entre le plus bas revenu des 37 sociétés soumises à l’étude et celui le plus haut est de 1 à 139. Ce qui signifie que, pour gagner la paie mensuelle de son directeur, un ouvrier ou une ouvrière les moins bien payés devraient travailler 11 ans et demi. Pour avoir le même salaire annuel, il leur faudrait… trois vies!
Caracolant en tête des écarts salariaux, le patron de Roche, Severin Schwan, se distingue avec une rémunération 307 fois plus élevée que la rémunération la plus basse de son entreprise. Chez Novartis, le directeur Vasant Narasimhan gagne 190 fois plus que le plus petit salaire, tout en comptant à son actif la suppression de 8000 postes de travail... L’écart est aussi important dans les banques (243 fois plus chez UBS), et dans les machines où ABB se distingue avec un écart de 1 à 216. Dans l’alimentaire, le patron de Nestlé gagne 202 fois plus que le plus bas salaire et, dans l’horlogerie, l’écart est de 1 à 168 chez Richemont et de 1 à 165 chez Swatch. La construction n’est pas en reste. Holcim par exemple figure à la 12e place du tableau avec un rapport de 1 à 154.
Les profits, que pour les actionnaires
A ce constat «explosif», selon l’économiste d’Unia, l’étude ajoute un volet sur les dividendes et les rachats d’actions ayant permis un «enrichissement massif» des actionnaires. Ces redistributions vers le haut ont augmenté de 30% depuis 2018, soit avant la pandémie. L’année dernière, les actionnaires des groupes étudiés ont encaissé en tout 76 milliards de francs. Presque l’équivalent des recettes ordinaires de la Confédération!
«Les bénéfices croissants des entreprises – en moyenne 25% plus élevés qu’en 2018 – ne conduisent en aucun cas à une répartition plus équitable, ni dans les entreprises elles-mêmes, ni dans l’ensemble de la société. Elles réalisent en effet une partie de leurs bénéfices croissants grâce à des hausses de prix excessives. Cela alimente l’inflation et la perte de pouvoir d’achat de la population, a expliqué Magnus Meister. Les sociétés ont profité de la pandémie de Covid, des problèmes de la chaîne d’approvisionnement, de l’inflation et de la guerre en Ukraine pour augmenter les rémunérations des managers et les distributions de capital aux actionnaires», alors qu’en bas, les simples employés le paient avec des pertes de salaire réel.
«Cette redistribution massive du bas vers le haut doit cesser», a lancé l’économiste, soulignant que, pour cela, «une pression collective, sur les lieux de travail et dans l’opinion publique» est nécessaire.
SH
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La parole à des personnes engagées
Six travailleuses et travailleurs précisent les raisons de leur participation à la manifestation nationale du 16 septembre à Berne en faveur de l’augmentation des salaires
«Je suis toujours au minimum»
Hector Villacros, nettoyeur, Genève, 64 ans
«C’est très important pour moi d’aller à cette manifestation et ça devrait l’être pour tout le monde, car nous sommes dans une situation économique très compliquée. Tout augmente, les loyers, les primes, les prix, sauf les salaires. Et pire, les salaires minimums cantonaux sont maintenant menacés avec la motion Ettlin! Il est temps que les autorités agissent!
Il y a une grande inquiétude dans le secteur du nettoyage. Moi, j’y travaille depuis plus de quinze ans et je suis toujours au minimum. Cela fait des années que je réclame à être formé pour pouvoir gagner plus, mais on me l’a toujours refusé. Aujourd’hui, je suis à 60% et mon salaire net est de 2800 francs par mois. Heureusement, mon épouse travaille à 100% et nos enfants nous aident financièrement parfois. Notre loyer a augmenté de 100 francs, tout comme les factures d’électricité, et les courses alimentaires ont jusqu’à doublé. On ne s’autorise pas beaucoup de loisirs ou de dépenses. Je ne voyage plus vers mon pays d’origine, l’Equateur, car prendre l’avion est devenu trop cher. On s’autorise un petit restaurant de temps en temps.
Je suis très motivé à me battre pour des augmentations de salaires, pour tous, et j’essaie de convaincre mes collègues de se mobiliser aussi. J’aimerais que les dirigeants prennent conscience de la cherté de la vie: ce n’est pas possible pour nous, nettoyeurs, de vivre dignement avec si peu. Je ne parle même pas du stress et de la santé. Quand je vois mes collègues qui travaillent pour survivre, qui ne profitent de rien et qui sont toujours tristes et négatifs, ça me fait beaucoup de peine.
Quant à la retraite qui approche, quand j’y pense, ça me fait peur, car je vais perdre la moitié de mes revenus: comment je vais faire avec si peu? Il faudra peut-être que je reparte en Equateur, mais ma famille est à Genève, elle. Le choix va être difficile…»
Manon Todesco
Quête d’économies
Fanny Hostettler, assistante en pharmacie, 28 ans
Fanny Hostettler dénonce l’absence d’une convention collective de travail dans sa branche et, partant, la difficulté de faire évoluer les salaires sans une grille des rémunérations. Pour cette raison, elle soutient la manifestation. «Je gagne, à 70%, 3200 francs brut par mois, chiffre l’assistante en pharmacie. J’ai reçu une augmentation en 2022 de 150 francs par mois fois 12, mais mon salaire n’avait pas été majoré les quatre années précédentes. Je dois surtout cette revalorisation à ma gérante», précise Fanny Hostettler, qui travaille dans le domaine depuis une décennie environ. La jeune femme souligne la nécessité de toucher de meilleures rémunérations, d’autant plus à cause de l’inflation. «Avec la hausse des prix, notamment alimentaires et de l’essence, il reste toujours moins d’argent à la fin du mois. Mon pouvoir d’achat a clairement diminué.» Dans ce contexte, cette assistante en pharmacie de 28 ans précise privilégier pour ses courses les grands discounters. «Une décision dictée par des prix moins élevés mais, évidemment, c’est une moins bonne option en matière d’écologie.» La jeune femme note prendre garde à ses dépenses et calculer les postes où elle peut économiser. «Je fais attention. Une facture imprévue m’a contrainte par le passé à emprunter de l’argent à ma mère. Heureusement, je m’en sors mieux aujourd’hui avec l’aide de mon conjoint. Sans lui, il serait beaucoup plus difficile de prendre des vacances.» Pour Fanny Hostettler, les salaires à la fin de l’apprentissage devraient s’élever à 4500 francs brut contre les 4000 francs actuels, fois 12 ou 13 selon les employeurs. L’assistante en pharmacie argumente sur les responsabilités liées à la fonction: «Nous devons avoir des connaissances étendues pour servir au mieux les patients et éviter tous risques comme des interactions entre les médicaments.» De meilleures rémunérations permettraient aussi, selon Fanny Hostettler, de fidéliser et de recruter des employés dans un secteur confronté à une pénurie du personnel, «à cause des bas salaires, des horaires, pareils à la vente, et de la charge mentale».
Sonia Mermoud
«J’ai appris à jongler»
Clotilde Pinto, 60 ans, vendeuse
Depuis vingt ans, Clotilde Pinto travaille pour un grand distributeur. Cette vendeuse au bénéfice d’un CFC a dû réduire son activité à 50% en raison de problèmes de santé. Et peine à nouer les deux bouts avec son maigre salaire et l’inflation. «Je gagne 1850 francs net malgré ma longue expérience dans le domaine. Je me trouve clairement en dessous du seuil de pauvreté. Sans aide de ma famille, je n’arriverai pas à vivre», témoigne la sexagénaire, précisant qu’elle n’est pas seule dans cette situation. Et qu’elle participera aussi à la manifestation par solidarité avec les personnes partageant ses difficultés, elle qui, très engagée, préside la branche du commerce de détail à Unia et est aussi membre du bureau du comité régional vaudois du syndicat. «Les 8,7% de la population sont touchés par la pauvreté», chiffre la vendeuse, notant remarquer une baisse du pouvoir d’achat aussi dans son travail. «Des clients renoncent, à la caisse, à des articles, faute de disposer de suffisamment d’argent ou achètent en plus petites quantités. Comment pourront-ils faire face à de nouvelles hausses de prix déjà annoncées l’an prochain, comme pour les primes maladie et l’électricité?» De son côté, Clotilde Pinto a appris à jongler et consacre ses jours de congé à débusquer les actions et les meilleures offres. «C’est une gymnastique permanente. Heureusement, je suis bonne gestionnaire. Une facture imprévue? Je demanderai à pouvoir différer son règlement ou à payer par tranches.» Si elle admet avoir touché une augmentation cette année, elle note qu’elle a été engloutie par le coût du renchérissement de la vie. «Nous avons obtenu une hausse de 2%, donc très peu pour moi qui travaille à mi-temps, et des cartes cadeaux. Mais même avec 6% de plus, on n’y arriverait pas», se désole la vendeuse, qui en appelle à l’intervention des autorités. «Le Parlement doit s’emparer du problème du pouvoir d’achat, qui sera durablement affaibli, et accorder des aides aux plus défavorisés, comme d’autres pays l’ont fait.»
SM, photo Olivier Vogelsang
Grande précarité estudiantine
Robin Augsburger, diplômé en anthropologie, à la recherche d’un emploi, 25 ans
«Je ne me suis pas encore inscrit au chômage. Après des études, on ne peut toucher des indemnités que six mois plus tard et je souhaite éviter les stages type développement personnel proposés par l’ORP…» Voilà pour la situation professionnelle du jeune militant de la Grève du climat et d’Unia, qui manifestera à Berne avant tout pour les autres. «Personnellement, je ne suis pas trop dans le besoin, même si notre loyer – à ma mère et à moi – a augmenté, car j’ai la chance d’avoir le soutien de mon père. Je manifesterai pour une hausse des revenus existants: salaires, bourses, allocations chômage, aide sociale, assurance invalidité et rente vieillesse...» Robin Augsburger rappelle que la précarité dans la population estudiantine est grande, d’où l’existence d’un fonds d’urgence de la Fédération des étudiants et étudiantes à Neuchâtel. Et dénonce: «Les bourses, comme l’aide sociale, les rentes AI ou AVS n’augmentent pas au fil des ans et de l’inflation!» Pour le jeune homme de gauche, habitué des manifestations, il est urgent d’augmenter les bas salaires, dont ceux des apprentis, ainsi que de créer un salaire étudiant. Pour l’écologiste, il s’agit aussi de proposer d’autres manières de vivre. «Etre solidaire en dehors du rapport d’argent est essentiel», lance-t-il, en donnant pour exemple le marché gratuit du collectif L’Amar ou ceux organisés lors du Black Friday. «En Suisse, on ne peut toutefois pas s’extraire si facilement du système financier. Les loyers et les primes d’assurance maladie nécessitent encore des paiements en argent.» Et d’énumérer quelques autres mesures: instaurer une caisse unique, contrôler les loyers et les marges de la grande distribution, fondre le 2e pilier dans le 1er… «Le 16 septembre représente un premier pas, un message envoyé au patronat et à l’Etat. La mobilisation des travailleuses et des travailleurs est cependant importante sur la durée, dans toutes les branches, et à des niveaux plus locaux aussi. On doit réfléchir à imposer nos revendications syndicalement et à créer des contre-modèles autonomes.»
Aline Andrey, photo Delphine Guinchard
«Je compare les prix»
Maria, 27 ans, nettoyeuse, Genève
«Je préfère témoigner de façon anonyme, car j’ai récemment annoncé ma grossesse à mon employeur et la nouvelle n’a pas vraiment été bien prise. Je ne m’attendais pas du tout à cette réaction, et je préfère donc rester prudente. Je suis nettoyeuse depuis cinq ans et je serai le 16 septembre à Berne, car il faut lutter pour nos droits. D’autant plus dans notre branche, qui est très précaire, dévalorisée et mal payée et où en même temps le travail est pénible. Il nous faut de meilleurs salaires!
Je suis payée au minimum, mais grâce au salaire minimum cantonal introduit à Genève ma rémunération a augmenté de 200 francs par mois. Aujourd’hui, je gagne environ 2200 francs par mois pour un contrat de 20 heures fixes et le reste est du travail sur appel. L’inflation n’a pas été compensée, mais mon loyer est passé de 1370 à 1450 francs pour un 25m2. Au supermarché, avant, j’en avais chaque semaine pour 40 francs de fruits et légumes. Aujourd’hui, c’est passé à 60 francs. Je ne sors plus autant qu’auparavant et je compare les prix: je me dirige vers les marques distributeurs les moins chères. Je vis avec ma petite sœur, et heureusement, ma mère nous aide financièrement.
Il est urgent que les salaires soient compensés et que l’inflation soit prise en compte.
Il faut aussi que les employeurs respectent la convention collective et considèrent la formation et l’expérience dans les salaires, ce qui n’est pas toujours le cas… Cela fait cinq ans que je travaille en tant que nettoyeuse, et mon revenu n’a pas évolué. J’ai aussi des collègues qui ont des CFC et qui sont au minimum: ce n’est pas très encourageant de se former si c’est pour ne pas être payé plus!
Il faudrait aussi que les entreprises accordent des contrats avec plus d’heures de travail, afin d’éviter de cumuler les emplois pour espérer joindre les deux bouts à la fin du mois. Pareil pour le 2e pilier auquel on ne cotise pas ou trop peu, et qui nous rend vulnérables à la retraite. Il est urgent de mettre en place une vraie protection des travailleurs!»
MT
Zéro franc dès le 20
Fatah Chiay, livreur
Employé chez DHL en Valais, Fatah Chiay n’arrive pas à joindre les deux bouts. Habitant Sion, ce livreur gagne 4200 francs brut, auxquels s’ajoute un bonus de 400 francs s’il n’égare pas de colis ni ne commet d’accident. «Après avoir payé les factures, il ne reste pas plus de 400 à 500 francs pour finir le mois. Il faut attendre le 25 du mois pour toucher le salaire, mais souvent, nous n’avons plus un franc dès le 20», explique ce père de trois enfants. «Il faudrait deux salaires, malheureusement ma femme ne travaille pas, car elle souffre du diabète.» Ne touche-t-il pas des aides? «Je ne reçois rien du tout. Nous n’arrivons pas à payer certaines factures et nous sommes mis aux poursuites.» Et les saisies de l’Office des poursuites peuvent encore réduire le revenu disponible du ménage. «Le mois passé, on m’a enlevé 600 francs, je n’ai rien pu faire. Malgré ces dettes, nous n’avons rien. Cela fait dix ans que nous n’avons pas changé de canapé», tient à préciser le salarié, en ajoutant: «Je ne veux pas témoigner seulement pour moi, mais aussi pour les milliers de personnes qui sont dans la même situation.» Son aîné de 19 ans a débuté une formation et gagne désormais 800 francs. «Il paie ses factures, ça aide. Il voudrait passer le permis de conduire, mais nous n’avons pas les moyens de payer les cours obligatoires.»
Originaire du Kurdistan, Fatah Chiay est arrivé en Suisse il y a 21 ans, il y travaille depuis 19 ans et cela fait une dizaine d’années qu’il a rejoint le secteur de la logistique, d’abord chez DPD, puis chez DHL. Il livre aujourd’hui ses colis dans le Haut-Valais. «Les routes sont serrées et dangereuses l’hiver, c’est beaucoup de stress, si on ne reste pas concentré, on peut y laisser sa vie.»
De l’ordre de 50 à 100 francs, les augmentations reçues par les livreurs de DHL en 2023 sont insuffisantes à couvrir la hausse des prix. «Cette année est plus difficile que les autres.» Il sera donc de la manifestation du 16 septembre à Berne: «Ma présence peut être utile, si on est nombreux, on pourra être entendus.»
Jérôme Béguin