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Licenciés et laissés sur la paille

José Sebastiao et les travailleurs lésés.
© Olivier Vogelsang

José Sébastiao, secrétaire syndical d’Unia, et les travailleurs lésés ont dénoncé les pratiques d’Electroleman.

Virés le 11 avril, les dix travailleurs d’Electroleman n’ont pas eu de salaire depuis février. Unia a mis l’entreprise en demeure et demandé le blocage des factures auprès des entreprises générales

«Le lundi, on se retrouve tous dans les locaux de l’entreprise pour noter nos heures», explique Pierre*, l’un des dix travailleurs d’Electroleman, entreprise genevoise d’électricité. «Le 11 avril, à 7h30, le patron nous a annoncé qu’à midi, on serait en faillite et donc licenciés. A savoir que trois collègues étaient à ce moment-là en arrêt maladie.» Officiellement, on leur annonce un licenciement pour cause économique. «Certes, le matériel avait du mal à arriver ces dernières semaines, ça nous a mis la puce à l’oreille, mais on était tout de même surpris, car du travail, il y en a énormément!» Les employés sont libérés de leur obligation de travailler et laissent donc leurs chantiers respectifs en plan.

Ce que les salariés n’ont pas vu venir, c’est qu’ils ne seraient pas payés pour le mois de mars, ni pour les dix jours travaillés en avril. Un courrier de l’administrateur accompagnant la lettre de licenciement indique que, «malheureusement, nous sommes dans l’incapacité de vous verser ledit salaire ainsi que vos mois de préavis».

«Il nous a dit qu’il fallait faire une demande auprès de la caisse d’insolvabilité pour toucher notre argent», rapporte un ancien employé. Le problème, c’est que l’entreprise n’étant pas officiellement en faillite, la caisse ne peut donc rien pour eux. «On est bloqués jusqu’au 31 mai, soit la fin de notre délai de congé, on ne peut pas s’inscrire au chômage et on ne peut pas travailler ailleurs», s’indigne Pascal*, un père de famille. «On n’a aucune rentrée d’argent. On ne sait pas comment on va payer notre loyer, et on ne sait pas comment on est censés subvenir aux besoins de nos familles. Il nous a mis dans la merde.»

Patron sommé de payer... en vain

Unia a été mandaté par l’ensemble des travailleurs. «Pour nous, il s’agit d’un licenciement abusif », soutient José Sebastiao, secrétaire syndical en charge du dossier qui a convoqué une conférence de presse devant l’un des chantiers à Cointrin. «Les deux entreprises Electroleman SA et Electroleman Group ont des dizaines de chantiers actifs sur le canton. L’administrateur n’en est pas à son coup d’essai: le Registre du commerce indique qu’il a eu sept entreprises dont cinq ont déjà été radiées. Il licencie les travailleurs sans les payer et, ensuite, il sous-traite le travail.» L’entreprise a été mise en demeure le 19 avril de payer les salaires dus dans un délai de 24 heures. «Nous n’avons eu aucune réponse de sa part», regrette le syndicaliste.

La colère gronde d’autant plus depuis qu’un travailleur a vu une offre d’emploi publiée par l’entreprise sur internet, quelques jours après leur licenciement. Clément* raconte de son côté que le patron l’a contacté pour lui proposer de revenir finir un chantier. «Il m’a proposé 500 francs cash et mon salaire de mars le lendemain si je venais. Je n’ai pas cédé au chantage et je n’y suis pas allé, en solidarité avec mes collègues.»

Contrats dénoncés

Unia a, entre autres, interpellé Edifea, entreprise générale qui a collaboré avec Electroleman sur de nombreux chantiers. «Au nom du principe de responsabilité solidaire, nous lui demandons de bloquer les factures ouvertes auprès de l’entreprise afin de payer en priorité les travailleurs», souligne José Sebastiao.

Si les paiements des travaux de mars et d’avril ont déjà été faits, Edifea a anticipé les demandes d’Unia et stoppé les futurs paiements. «Nous sommes très fermes sur ces questions et nous refusons de travailler avec des entreprises qui ne paient pas leurs employés», assure Alexis Armand, directeur chez Edifea. «Nous avons immédiatement dénoncé les contrats avec Electroleman et nous demanderons aux sociétés qui reprennent les chantiers, si elles le peuvent, d’engager le personnel licencié. Nous déplorons la situation et espérons que des solutions seront rapidement trouvées pour ces travailleurs.» Pour les salaires impayés, Edifea déclare pour l’heure ne pas pouvoir se substituer à l’employeur dans la mesure où les sommes dues avaient déjà été versées à Electroleman. «Il faut s’en remettre à l’Office des faillites.»

De son côté, José Sebastiao se dit préoccupé: «Les paiements ont été bloqués, mais pas pour payer les salaires des travailleurs comme le réclame Unia.»

«Il nous mettait sans cesse la pression»

Les langues se délient. Les employés nous dressent le portrait d’un patron loin d’être exemplaire. «Les conditions de travail étaient très dures, souligne Marc*. J’étais tout seul sur quatre chantiers en même temps, j’étais épuisé. La charge de travail était impossible à tenir. Un collègue a fait trois mois de dépression. Il nous mettait sans cesse la pression, même quand on était en arrêt, il nous appelait pour nous demander quand on allait reprendre.» Les plus anciens employés étaient là depuis 18 mois, maximum. «Il nous payait le 10 du mois suivant, ce qui n’est pas conforme à la convention. De même, nous n’avions pas d’habits de travail, et les heures de travail supplémentaires n’étaient pas majorées. Quant aux équipements de protection individuelle (EPI), il fallait batailler et être patient pour les obtenir.» Une fois le licenciement prononcé, certains employés ont tenté de garder le contact avec le patron. «Il a dit qu’il ne pouvait plus rien pour nous et nous a souhaité de bonnes démarches. Depuis, il fait le mort...» L’Evénement syndical a tenté de joindre l’administrateur à plusieurs reprises, sans succès.

* Prénoms d’emprunt.

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