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Symetis devant le juge

Le 17 décembre 2019, grévistes, militants et syndicalistes d’Unia se sont rassemblés devant le Grand Conseil vaudois pour demander un soutien politique.
© Thierry Porchet

Le 17 décembre 2019, grévistes, militants et syndicalistes d’Unia se sont rassemblés devant le Grand Conseil vaudois pour demander un soutien politique.

Le 7 janvier, une audience a été tenue au Tribunal de Montbenon à la suite de la requête d’Unia et des travailleurs de la medtech d’Ecublens de rouvrir une consultation

En ce début d’année, le conflit de travail dans la société Symetis (Boston Scientific) a été porté au niveau judiciaire à la suite de la requête de mesures provisionnelles d’Unia et des travailleurs. Ces derniers demandent la reconnaissance, par la direction, de la délégation syndicale et la réouverture de la procédure de consultation entachée d’irrégularités selon le syndicat. Et ce, en vertu de l’article 335f du Code des obligations qui astreint notamment l’employeur, en cas de licenciements collectifs, à donner les informations nécessaires afin que les employés puissent formuler des propositions pour éviter les congés.

En ce mardi matin 7 janvier, une petite vingtaine de travailleurs, militants et syndicalistes d’Unia prennent place dans une salle d’audience du Tribunal de Montbenon à Lausanne. Ils sont accompagnés de Me Anne Meier, leur avocate. Face à eux, deux membres anglophones de la direction de Symetis, une traductrice et deux avocats. En préambule, le président rappelle que le contexte est douloureux, mais qu’ici ce sont deux problématiques juridiques qui seront étudiées: la validité de la représentation d’Unia d’une partie du personnel de Symetis (qui, rappelons-le, représente la grande majorité des secteurs de la production et de la logistique); et la voie légale pour prolonger la consultation.

Me Meier fait valoir que cette procédure, certes inhabituelle, a déjà eu lieu à Neuchâtel lors d’un autre licenciement collectif et avait alors permis la prolongation du délai de consultation. L’avocate indique également que, selon un arrêt du Tribunal fédéral, les salariés visés par un licenciement collectif, ou une partie d’entre eux, sont libres de mandater un syndicat pour les représenter dans la consultation. Se référant à plusieurs articles de la Constitution, de la Cour européenne des droits de l’homme et de l’Organisation internationale du travail, l’avocate adresse un message essentiel au juge: «Votre rôle est de garantir l’effectivité de ce droit fondamental qu’est celui de la liberté syndicale.»

Consultation fictive?

L’avocat de la partie adverse dénonce, quant à lui, l’éviction de deux membres des ressources humaines, lors de la première assemblée des travailleurs convoquée par Unia, remettant en cause la volonté du syndicat de défendre tous les employés. Noé Pelet, responsable du secteur industrie d’Unia Vaud, souligne les tensions et les pressions de la direction et, donc, des ressources humaines. «Dans un mail, versé à la procédure, la direction a interdit au personnel d’entrer en contact avec le syndicat et les médias. La majorité du personnel présent a préféré que ces deux membres de la direction, considérés comme tels par les travailleurs, sortent, pour pouvoir s’exprimer librement. De surcroît, nous étions tout à fait disponibles pour rencontrer ces personnes à un autre moment.» Plus largement, il rappelle l’importance de la période de consultation, qui a déjà permis dans le canton de Vaud de sauver des postes de travail et d’éviter des délocalisations. Selon le syndicat, toutes les informations nécessaires pour dessiner des solutions n’ont pas été données par la direction, ou alors beaucoup trop tard, soit deux jours après la clôture de la «consultation» par la direction. Pour l’avocat de cette dernière, une réelle consultation a eu lieu et le plan social est généreux. Soit un mois de salaire d’indemnités pour tous, auquel s’ajoute un mois par année d’ancienneté. Une aide spécifique aux familles et un soutien à la réorientation professionnelle sont prévus. Un plan qui semble correct a priori, sauf que la moitié des employés ont été engagés en 2019. «En dix ans de carrière, je n’ai jamais vu un plan social, dans les faits, aussi mauvais», avance Noé Pelet.

A la fin de la séance, Tim Starr, directeur du site d’Ecublens, s’exprimant en anglais, restait sur sa position: «On a travaillé très dur, écouté tout le monde. On a respecté les droits des employés de manière démocratique. Je suis satisfait.» Le juge a promis une décision motivée «dans les meilleurs délais»…

Soutien politique aux employés de Symetis

Le 19 décembre 2019, après plus d’une semaine d’arrêt de la production, la grève était suspendue chez Symetis (Boston Scientific). Au niveau politique, deux jours auparavant, le Grand Conseil vaudois votait à 134 voix contre 1 (et deux abstentions) une résolution demandant au Conseil d’Etat d’intervenir auprès de la direction de la medtech pour que celle-ci reporte le délai de consultation et assure l’accès aux informations de la société par le personnel. Une résolution qui dénonce: «Dans le cadre de ce conflit collectif, la direction de Boston Scientific, deux ans seulement après le rachat de Symetis, refuse de rencontrer la délégation syndicale élue par l’assemblée, ne respectant pas les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs.» Durant le débat, plusieurs députés, tous partis confondus, se sont inquiétés de la tendance générale des multinationales à venir se servir du savoir-faire de la région, avant de repartir.

Le conseiller d’Etat en charge de l’Economie, le libéral Philippe Leuba, a indiqué avoir entamé, depuis le 27 novembre, des négociations avec la direction de Symetis et de Boston Scientific. «Nous sommes engagés dans ce dossier pour éviter la délocalisation», a-t-il martelé. Il a mentionné plusieurs séances avec la direction d’Ecublens, une conférence téléphonique avec Boston Scientific aux Etats-Unis, ainsi que des contacts avec le syndicat Unia, «car, nous, nous acceptons de discuter avec le mouvement syndical». Il a ajouté avoir proposé à la direction de «constituer un groupe de travail pour discuter du maintien de l’entreprise ici». «Cette main tendue n’a pas été saisie. Nous avons voulu ensuite instaurer un vrai dialogue entre les différents partenaires en les réunissant. Cette deuxième main n’a toujours pas été saisie.» Et de rappeler que «la prospérité d’une entreprise et d’une région repose sur le partenariat social».

La même semaine, les grévistes envoyaient une lettre à l’attention de Philippe Leuba, lui demandant non seulement de s’engager pour les places de travail et pour le site, mais aussi d’améliorer le cadre légal pour éviter de «tels pillages industriels». Et de dénoncer l’opportunisme de Symetis qui a profité «d’un environnement favorable lié aux pôles de recherche des écoles polytechniques, des universités suisses et des centres hospitaliers universitaires».

Pour rappel, Symetis a été racheté en mars 2017 par Boston Scientific pour 435 millions de dollars. Fort de son milliard de bénéfices (en 2018), le géant américain a investi dans le site d’Ecublens. La moitié des employés actuels ont été engagés cette année, certains après avoir été débauchés. Le 20 novembre, la direction annonçait la délocalisation du site en Irlande, soit la suppression de 140 postes environ. Selon Unia, «si Boston Scientific peut délocaliser si facilement sans entraves, il s’agira d’un véritable appel d’air pour l’ensemble des entreprises».

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