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Le procureur vaudois est recadré par le Tribunal fédéral

action ubs
© Aline Andrey / archives

Une vingtaine de militants pour le climat ont occupé la succursale lausannoise d’UBS, le 14 janvier 2020, pour demander la sortie des énergies fossiles. 

Le Ministère public vaudois a été désavoué dans son appel contre les activistes du climat qui avaient répandu du charbon dans une succursale d’UBS début 2020.

«Je suis tellement soulagée. J’avais peur du casier judiciaire.» La tension a laissé place au sourire sur le visage de la jeune militante du climat, à l’issue de l’audience publique au Tribunal fédéral sur le droit ou non du Ministère public de recourir en matière pénale. Ce dernier ayant été désavoué au niveau cantonal. «Cela montre une fois de plus comment le Ministère public fait des procès climatiques une affaire personnelle, alors même qu’UBS n’a pas fait opposition à la suite d’un vice de forme au moment du dépôt de la plainte», souligne-t-elle. 

Pour mémoire, il y a presque cinq ans, une vingtaine de militants de la Grève du climat Vaud s’était installés pacifiquement dans le hall de marbre blanc d’UBS avec des sacs de charbon. Une action hautement symbolique pour rappeler que la place financière suisse produisait vingt fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que la Suisse, et cela alors que les portefeuilles gérés dans notre pays soutenaient un réchauffement climatique de 4 à 6 degrés en plus (selon des chiffres de l’Office fédéral de l’environnement). Une situation qui n’a guère évolué depuis…

Clivage entre les juges

En ce 21 novembre, quelques avocats des sept activistes, ayant fait opposition aux ordonnances pénales pour violation de domicile et dommages à la propriété, sont présents dans la salle du Tribunal fédéral. Face à eux, et aux nombreux auditeurs dont une majorité d’étudiants, cinq juges se positionnent à tour de rôle sur le droit de recours en matière pénale au niveau fédéral du Ministère public. Aucune mention du climat ou de désobéissance civile n’est faite.

Les deux juges romands et le juge tessinois concluent que la qualité de recourir ne peut être qu’octroyée au plaignant, soit UBS, aucun intérêt public n’étant en jeu. La plainte doit être personnelle et intransmissible. Or, la banque n’a pas fait appel en son nom. Autre lecture de la loi par les deux juges suisses-alémaniques: le Ministère peut contester l’invalidité de la plainte au niveau fédéral comme au niveau cantonal.

Le juge-rapporteur, reprenant la parole, souligne le clivage entre latins et alémaniques et l’attitude particulière d’UBS qui a porté plainte, mais avec un vice de forme, puis n’a pas fait appel, tout en soutenant celle du Ministère public. 

Il rappelle que l’article 381 du Code de procédure pénale (CPP) a une portée plus large que l’article 81 de la Loi sur le Tribunal fédéral (LTF). Celle-ci étant plus restrictive. Selon lui, il n’y a donc pas d’incohérence à refuser le recours du Ministère public au niveau fédéral.

Après un deuxième tour de parole, les juges déclarent, à trois voix contre deux, le recours irrecevable. 

Un frein au Ministère public

A la sortie du Tribunal, Clémence Demay, docteure en droit et autrice du Droit face à la désobéissance civile, estime que cette décision du TF peut avoir une influence sur les militants du climat ou, plus généralement, sur les actions de désobéissance civile, car elle permet de limiter l’expansion du chilling effect, soit cet effet dissuasif sur l'exercice légitime de ses droits du fait de la menace d'une sanction légale. «Ces dernières années, même lorsqu’il y a acquittement au niveau cantonal, il n’est pas rare que le Ministère public vaudois continue tout de même la procédure. Cette décision, aujourd’hui, permet de le recadrer et de mettre un frein à ces pratiques. Car son rôle n’est pas de défendre les intérêts d’une entreprise.» Elle ajoute: «Dans d’autres domaines, cela choquerait que le procureur se fasse la voix de la partie plaignante, il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement face à la désobéissance civile.» 

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